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Comme les goûts en général, les émotions et les sentiments, loin de renvoyer à un ineffable psychologique et individuel, peuvent être objets de sociologie. Dans la lignée des travaux classiques ayant élaboré la notion de script en matière de sexualité, les sentiments peuvent également être situés et contextualisés, notamment dans leur dimension générationnelle et culturelle. Tout comme le flirt a pu être analysé au fil de son histoire dans son lien avec les mentalités, l’accès au corps mais aussi les produits culturels d’une époque (le cinéma et les yéyés), le « crush », ce mot générationnel, nous permet de saisir de façon très contemporaine l’éducation sentimentale à l’adolescence et chez les jeunes adultes, l’importance qu’y prennent les productions culturelles, les réseaux sociaux et les pratiques numériques. Surtout, le crush, cette attirance secrète, ne peut être compris sans appréhender la dimension collective et les logiques genrées du travail émotionnel qu’il induit.

Far from being indescribable psychological and individual phenomena, emotions and feelings – like tastes in general – can be the subject of sociological study. Following on from the classic work that developed the notion of script in sexuality, feelings can also be situated and contextualized, particularly in their generational and cultural dimensions. Just as flirting has been analysed over the course of its history in terms of its relation to mentalities, and of access to the body and to the cultural products of an era (cinema and the yéyé movement), so too ‘crush’, a generational term, gives us a very contemporary understanding of adolescents’ and many young adults’ sentimental education, and of the role of cultural productions, social networks and digital practices. Above all, a crush, a secret attraction, cannot be understood without grasping the collective dimension and gendered logics of the emotion work involved.