Du kaléidoscope à la traduction dense : l'histoire d'une non-rencontre
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Dans son livre L’histoire à parts égales : récits d’une rencontre Orient-Occident, Romain Bertrand propose de faire l’histoire des « premiers contacts » entre Hollandais, Malais et Javanais, de la fin du XVIe siècle aux années 1630. Inscrivant son travail à la fois dans le sillage de l’histoire connectée, des « Subaltern Studies » et de la sociologie des sciences, R. Bertrand revendique la possibilité et l’intérêt d’écrire une histoire « symétrique », « à parts égales », qui sache tirer parti aussi bien des textes néerlandais, britanniques et portugais que des documentations malaises et javanaises. Cette note cherche à rendre compte de ce livre important et foisonnant, en insistant sur l’enjeu heuristique et méthodologique d’une étude fine des dispositifs et des échelles de commensurabilité pour penser les situations de contact diplomatique et marchand de l’époque moderne. L’histoire à parts égales constitue en cela un plaidoyer réussi pour une « traduction dense » qui préserve la singularité des énoncés vernaculaires et des régimes d’historicité observés, en même temps qu’elle permet d’éviter de plaquer sur les rencontres impériales les rhétoriques binaires et schématiques de l’altérité absolue.
From kaleidoscope to thick translation : the history of a non-encounter In L’histoire à parts égales : récits d’une rencontre Orient-Occident, Romain Bertrand focuses on “first contacts” between the Dutch, the Malay and the Javanese, from the late 17th Century to the 1630s. Following in the footsteps of connected history, “Subaltern Studies” and sociology of scientific knowledge, Bertrand argues for the possibility of writing a fruitful “symmetric” history, an account “in equal parts” which relies on Dutch, British and Portuguese texts on the one hand, and Javanese and Malay documents on the other. This review aims at stressing the heuristic and methodological issues of that important book, especially the detailed study of the devices and scales of commensurability as keys for understanding diplomatic and mercantile encounters in the Early modern period. Hence, L’histoire à parts égales offers a valuable plea for a “thick translation” preserving the peculiarity of vernacular statements and regimes of historicity, while avoiding the binary and schematic rhetoric of absolute “otherness”, often used to describe imperial encounters.
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