Contested conjugality? Sinhalese marriage practices in eighteenth-century Dutch colonial Sri Lanka
Bulten, Luc
Contested conjugality? Sinhalese marriage practices in eighteenth-century Dutch colonial Sri Lanka - 2018.
83
Le Sri Lanka, sous contrôle hollandais au xviiie siècle, nous offre la possibilité d’étudier l’influence du contrôle administratif sur le quotidien de la vie familiale en contexte colonial. Cet article concentre son attention sur les modalités d’enregistrement par les documents administratifs néerlandais des pratiques matrimoniales cinghalaises. Nous savons, grâce à différentes sources, que ces dernières étaient jugées tout à fait indécentes par les calvinistes hollandais, car elles impliquaient souvent de la cohabitation prénuptiale, un divorce facile et même de la polyandrie.Pour saisir les différences entre les attitudes néerlandaises, d’un côté, et cinghalaises, de l’autre, vis-à-vis de la définition de l’union matrimoniale – mais aussi de la contestation de son contenu – cet article analyse en premier lieu pour environ 200 villages des documents administratifs appelés thombos, qui se présentent comme une combinaison complexe de recensement, de cadastre et de reconstruction généalogique. Ces documents offrent un éclairage unique sur les Cinghalais et leur vie familiale. Nous nous sommes demandé quelles catégories furent utilisées par les recenseurs locaux pour déterminer les différentes formes d’état civil, et dans quelle mesure les Cinghalais pouvaient influencer ou résister à leur catégorisation, compte tenu de la situation politique de leur famille, de leur caste et de la hiérarchie féodale.Dans un second temps, deux conflits d’héritage au sein de familles cinghalaises, portés devant les tribunaux de droit colonial néerlandais, ont été examinés afin de déterminer si et de quelle manière les définitions juridiques néerlandaises du mariage jouaient un rôle dans la vie quotidienne coloniale. Bien que la morale calviniste ait explicitement contesté certaines interprétations du mariage cinghalais, le bon sens pratique devait triompher de la morale religieuse si les administrateurs coloniaux voulaient gérer la colonie aussi efficacement que possible. Le profit l’emportait sur les principes, car les Néerlandais dépendaient largement de l’organisation traditionnelle de la main-d’œuvre, qui était rattachée à la terre. En pratique, par conséquent, ils semblent avoir accepté de nombreux arrangements familiaux traditionnels cinghalais. Les affaires judiciaires indiquent cependant que certains Cinghalais étaient habilement disposés à adopter l’interprétation néerlandaise de l’union matrimoniale, et utilisaient l’administration néerlandaise pour améliorer leur situation individuelle, y compris au détriment de leur propre famille ou parenté. Les traditions conjugales du Sri Lanka au xviiie siècle furent ainsi contestées à la fois par les Hollandais et les Cinghalais. Dutch colonial Sri Lanka in the eighteenth century offers a unique opportunity to study the dynamics of colonial control of everyday family life. This article focuses on the Dutch registration of Sinhalese marriage practices, which we know from scattered sources to have been strikingly different from what the Calvinist Dutch deemed appropriate, with cohabitation before marriage, easy divorce and polygamy. To study how conjugality was defined and contested by both Dutch and Sinhalese alike, this article first analyses the so-called thombo registration (a complex combination of census, cadastre and genealogy) of about 200 villages, which offers a unique perspective on Sinhalese family life. What categories were used by local census takers to label alternative forms of marital status, and to what extent could the Sinhalese influence or resist their categorisation according to hierarchies of family, caste and feudal labour relations? Two inheritance conflicts within Sinhalese families brought before the Dutch colonial law courts are analysed to determine if and how the Dutch legal definitions of marriage played their part in everyday colonial life. Although Calvinist morality contested certain Sinhalese marriage practices, colonial administrators and lawyers had to be practical to run the colony as efficiently as possible. Profit trumped principles, as the Dutch were dependent on the proper fulfilment and transmission of traditional labour services attached to land. In practice, therefore, they seem to have accepted many of the traditional family arrangements of the Sinhalese. Yet the court cases show that some Sinhalese were willing to cleverly adopt the Dutch marriage ideal and use the Dutch administration to improve their individual position, not in the least against their own kin. Conjugal traditions in eighteenth-century Sri Lanka were thus contested by both the Dutch and the Sinhalese
Contested conjugality? Sinhalese marriage practices in eighteenth-century Dutch colonial Sri Lanka - 2018.
83
Le Sri Lanka, sous contrôle hollandais au xviiie siècle, nous offre la possibilité d’étudier l’influence du contrôle administratif sur le quotidien de la vie familiale en contexte colonial. Cet article concentre son attention sur les modalités d’enregistrement par les documents administratifs néerlandais des pratiques matrimoniales cinghalaises. Nous savons, grâce à différentes sources, que ces dernières étaient jugées tout à fait indécentes par les calvinistes hollandais, car elles impliquaient souvent de la cohabitation prénuptiale, un divorce facile et même de la polyandrie.Pour saisir les différences entre les attitudes néerlandaises, d’un côté, et cinghalaises, de l’autre, vis-à-vis de la définition de l’union matrimoniale – mais aussi de la contestation de son contenu – cet article analyse en premier lieu pour environ 200 villages des documents administratifs appelés thombos, qui se présentent comme une combinaison complexe de recensement, de cadastre et de reconstruction généalogique. Ces documents offrent un éclairage unique sur les Cinghalais et leur vie familiale. Nous nous sommes demandé quelles catégories furent utilisées par les recenseurs locaux pour déterminer les différentes formes d’état civil, et dans quelle mesure les Cinghalais pouvaient influencer ou résister à leur catégorisation, compte tenu de la situation politique de leur famille, de leur caste et de la hiérarchie féodale.Dans un second temps, deux conflits d’héritage au sein de familles cinghalaises, portés devant les tribunaux de droit colonial néerlandais, ont été examinés afin de déterminer si et de quelle manière les définitions juridiques néerlandaises du mariage jouaient un rôle dans la vie quotidienne coloniale. Bien que la morale calviniste ait explicitement contesté certaines interprétations du mariage cinghalais, le bon sens pratique devait triompher de la morale religieuse si les administrateurs coloniaux voulaient gérer la colonie aussi efficacement que possible. Le profit l’emportait sur les principes, car les Néerlandais dépendaient largement de l’organisation traditionnelle de la main-d’œuvre, qui était rattachée à la terre. En pratique, par conséquent, ils semblent avoir accepté de nombreux arrangements familiaux traditionnels cinghalais. Les affaires judiciaires indiquent cependant que certains Cinghalais étaient habilement disposés à adopter l’interprétation néerlandaise de l’union matrimoniale, et utilisaient l’administration néerlandaise pour améliorer leur situation individuelle, y compris au détriment de leur propre famille ou parenté. Les traditions conjugales du Sri Lanka au xviiie siècle furent ainsi contestées à la fois par les Hollandais et les Cinghalais. Dutch colonial Sri Lanka in the eighteenth century offers a unique opportunity to study the dynamics of colonial control of everyday family life. This article focuses on the Dutch registration of Sinhalese marriage practices, which we know from scattered sources to have been strikingly different from what the Calvinist Dutch deemed appropriate, with cohabitation before marriage, easy divorce and polygamy. To study how conjugality was defined and contested by both Dutch and Sinhalese alike, this article first analyses the so-called thombo registration (a complex combination of census, cadastre and genealogy) of about 200 villages, which offers a unique perspective on Sinhalese family life. What categories were used by local census takers to label alternative forms of marital status, and to what extent could the Sinhalese influence or resist their categorisation according to hierarchies of family, caste and feudal labour relations? Two inheritance conflicts within Sinhalese families brought before the Dutch colonial law courts are analysed to determine if and how the Dutch legal definitions of marriage played their part in everyday colonial life. Although Calvinist morality contested certain Sinhalese marriage practices, colonial administrators and lawyers had to be practical to run the colony as efficiently as possible. Profit trumped principles, as the Dutch were dependent on the proper fulfilment and transmission of traditional labour services attached to land. In practice, therefore, they seem to have accepted many of the traditional family arrangements of the Sinhalese. Yet the court cases show that some Sinhalese were willing to cleverly adopt the Dutch marriage ideal and use the Dutch administration to improve their individual position, not in the least against their own kin. Conjugal traditions in eighteenth-century Sri Lanka were thus contested by both the Dutch and the Sinhalese
Réseaux sociaux