« Silence, on ferme ! »
Mariette, Audrey
« Silence, on ferme ! » - 2005.
40
RésuméDepuis la fin des années quatre-vingt-dix, au moins sept documentaires mettant en scène la fermeture d’une ou plusieurs usines et/ou ses conséquences pour les ouvriers ont fait l’objet de débats en salles, en présence de membres du « monde de l’art » et des champs scientifique et politique. L’auteure met en parallèle trois de ces films en particulier – ceux qui se déroulent pendant l’« événement fermeture » –, pour analyser leur représentation du monde ouvrier et les liens qui peuvent être objectivement établis avec d’autres regards, celui des sciences sociales et celui du militantisme. Plusieurs points communs sont mis au jour : les réalisateurs, aux trajectoires professionnelles et politiques pourtant variées, sont entrés dans l’usine par la fermeture et ont pu ainsi filmer le travail ouvrier et le rapport des salariés à leur emploi dans un contexte où il va leur être enlevé ; leur regard est proche de celui fourni par certains travaux ethnographiques effectués sur ce monde depuis la fin des années quatre-vingt. Leurs films font par ailleurs écho aux discours militants « altermondialistes » propres aux années quatre-vingt-dix - deux mille et à ceux des organisations politiques traditionnelles du monde ouvrier : ils mettent en scène, de façon certes différente, la lutte et le militantisme ouvriers, mais chacun intègre – et par là dénonce – les effets du néolibéralisme. Enfin, à travers la fermeture, qui ressort ici comme un objet cinématographique, les réalisateurs ont porté à l’écran des « personnages », issus d’une frange du monde ouvrier ancienne et stabilisée, dont l’avenir est remis en cause. Si les représentations du monde ouvrier émanant de ces films récents varient selon les réalisateurs et leur trajectoire sociale, elles se trouvent chacune à la frontière de trois univers intellectuels : malgré des contraintes professionnelles différentes, le point de vue artistique des documentaristes est à la fois proche de celui de chercheurs en sciences sociales et de celui de militants, ce qui explique l’intérêt de ces derniers pour les premiers. Since the late 1990s at least seven documentaries staging the closure of one or several factories and/or its consequences for the workers have been the subject of debates in cinemas in the presence of members of the arts world, scientists and politicians. The authorin draws a parallel between three of those films – whose action takes place during the « closure event » – to analyze their representations of the workers world and compare them with those of social scientists and new or old political militants. She observes several common points : film-makers whose professional and political trajectories are different view the factory through its closure and thus film workers and their relation to work in the context of its future loss. Their vision is close to that of some ethnographers since the late 1980s. Moreover, their films echo militants’ antiglobalization discourses of the years 1990-2000 and those of traditional political workers’ organizations : they stage in their way workers’ struggles and militantism, but integrate and thereby denounce the effects of neoliberalism. Lastly, by treating the closure of factories as a cinematographic object these documentary-makers stage « figures » of an old and stabilized fringe of the workers world whose future is called into question. Their artistic point of view on this world is close to that of social scientists and militants, thus explaining the interest of the latter in the former. ZusammenfassungSeit dem Ende der 1990er Jahre wurden wenigstens sieben Dokumentarfilme, die die Schliessung einer oder mehrerer Fabriken und/oder ihre Folgen für die Arbeiter inszenieren, Gegenstände von Debatten, die in Kinosaalen in Anwesenheit von Leuten aus der künstlichen, wissenschaftlichen und politischer Welt stattfunden. Die Autorin zieht eine Parallele zwischen drei dieser Filme – die das Ereignis der Schliessung behandeln –, um ihre Darstellungen der Arbeiterwelt zu analysieren, und sie mit denen von Sozialforschern und jungen oder alten politischen Militanten zu vergleichen. Sie stellt mehrere Gemeinsamkeiten fest : die Filmemacher, deren berufliche und politische Trajektorien verschieden sind, sehen die Fabrik unter dem Gesichtspunkt ihrer Schliessung und filmen daher die Arbeiter und ihr Verhältnis zur Arbeit in dem Kontext deren baldigen Verlusts. Ihre Vorstellung ähnelt derjenigen einiger Ethnographen seit den 1980er Jahren. Überdies echoen ihre Filme die Antiglobalisierungsreden der 1990-2000er Jahre und diejenigen der traditionellen politischen Arbeiterorganisationen. Sie inszenieren zwar in ihrer Weise den Kampf und die Militanz, aber alle integrieren – und daher denunzieren – die Wirkungen des Neoliberalismus. Schliesslich inszenieren sie Figuren, die aus einer alten stabilisierten Randgruppe der Arbeiterwelt entstehen, deren Zukunft in Frage gestellt wird. Zum Schluss ist der künstliche Gesichtspunkt der Filmemacher demjenigen der Sozialforscher und Aktivisten sehr nahe, was das Interesse letzerer für erstere erklärt.
« Silence, on ferme ! » - 2005.
40
RésuméDepuis la fin des années quatre-vingt-dix, au moins sept documentaires mettant en scène la fermeture d’une ou plusieurs usines et/ou ses conséquences pour les ouvriers ont fait l’objet de débats en salles, en présence de membres du « monde de l’art » et des champs scientifique et politique. L’auteure met en parallèle trois de ces films en particulier – ceux qui se déroulent pendant l’« événement fermeture » –, pour analyser leur représentation du monde ouvrier et les liens qui peuvent être objectivement établis avec d’autres regards, celui des sciences sociales et celui du militantisme. Plusieurs points communs sont mis au jour : les réalisateurs, aux trajectoires professionnelles et politiques pourtant variées, sont entrés dans l’usine par la fermeture et ont pu ainsi filmer le travail ouvrier et le rapport des salariés à leur emploi dans un contexte où il va leur être enlevé ; leur regard est proche de celui fourni par certains travaux ethnographiques effectués sur ce monde depuis la fin des années quatre-vingt. Leurs films font par ailleurs écho aux discours militants « altermondialistes » propres aux années quatre-vingt-dix - deux mille et à ceux des organisations politiques traditionnelles du monde ouvrier : ils mettent en scène, de façon certes différente, la lutte et le militantisme ouvriers, mais chacun intègre – et par là dénonce – les effets du néolibéralisme. Enfin, à travers la fermeture, qui ressort ici comme un objet cinématographique, les réalisateurs ont porté à l’écran des « personnages », issus d’une frange du monde ouvrier ancienne et stabilisée, dont l’avenir est remis en cause. Si les représentations du monde ouvrier émanant de ces films récents varient selon les réalisateurs et leur trajectoire sociale, elles se trouvent chacune à la frontière de trois univers intellectuels : malgré des contraintes professionnelles différentes, le point de vue artistique des documentaristes est à la fois proche de celui de chercheurs en sciences sociales et de celui de militants, ce qui explique l’intérêt de ces derniers pour les premiers. Since the late 1990s at least seven documentaries staging the closure of one or several factories and/or its consequences for the workers have been the subject of debates in cinemas in the presence of members of the arts world, scientists and politicians. The authorin draws a parallel between three of those films – whose action takes place during the « closure event » – to analyze their representations of the workers world and compare them with those of social scientists and new or old political militants. She observes several common points : film-makers whose professional and political trajectories are different view the factory through its closure and thus film workers and their relation to work in the context of its future loss. Their vision is close to that of some ethnographers since the late 1980s. Moreover, their films echo militants’ antiglobalization discourses of the years 1990-2000 and those of traditional political workers’ organizations : they stage in their way workers’ struggles and militantism, but integrate and thereby denounce the effects of neoliberalism. Lastly, by treating the closure of factories as a cinematographic object these documentary-makers stage « figures » of an old and stabilized fringe of the workers world whose future is called into question. Their artistic point of view on this world is close to that of social scientists and militants, thus explaining the interest of the latter in the former. ZusammenfassungSeit dem Ende der 1990er Jahre wurden wenigstens sieben Dokumentarfilme, die die Schliessung einer oder mehrerer Fabriken und/oder ihre Folgen für die Arbeiter inszenieren, Gegenstände von Debatten, die in Kinosaalen in Anwesenheit von Leuten aus der künstlichen, wissenschaftlichen und politischer Welt stattfunden. Die Autorin zieht eine Parallele zwischen drei dieser Filme – die das Ereignis der Schliessung behandeln –, um ihre Darstellungen der Arbeiterwelt zu analysieren, und sie mit denen von Sozialforschern und jungen oder alten politischen Militanten zu vergleichen. Sie stellt mehrere Gemeinsamkeiten fest : die Filmemacher, deren berufliche und politische Trajektorien verschieden sind, sehen die Fabrik unter dem Gesichtspunkt ihrer Schliessung und filmen daher die Arbeiter und ihr Verhältnis zur Arbeit in dem Kontext deren baldigen Verlusts. Ihre Vorstellung ähnelt derjenigen einiger Ethnographen seit den 1980er Jahren. Überdies echoen ihre Filme die Antiglobalisierungsreden der 1990-2000er Jahre und diejenigen der traditionellen politischen Arbeiterorganisationen. Sie inszenieren zwar in ihrer Weise den Kampf und die Militanz, aber alle integrieren – und daher denunzieren – die Wirkungen des Neoliberalismus. Schliesslich inszenieren sie Figuren, die aus einer alten stabilisierten Randgruppe der Arbeiterwelt entstehen, deren Zukunft in Frage gestellt wird. Zum Schluss ist der künstliche Gesichtspunkt der Filmemacher demjenigen der Sozialforscher und Aktivisten sehr nahe, was das Interesse letzerer für erstere erklärt.
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