Alcool et sociabilité militaire : de la cohésion au contrôle, de l'intégration à l'exclusion
Prévot, Emmanuelle
Alcool et sociabilité militaire : de la cohésion au contrôle, de l'intégration à l'exclusion - 2007.
83
RésuméL’alcool est presque aussi spontanément associé aux armées que leurs uniformes. Pourtant, les modalités de sa consommation ne sont-elles pas susceptibles d’éclairer un autre pan des réalités militaires ? Ne peuvent-elles pas informer sur les rôles et statuts dans ce corps professionnel ? À partir d’une enquête de terrain menée dans une unité combattante de l’armée de terre, durant laquelle nous avons participé à une mission de cinq mois en ex-Yougoslavie, les pratiques d’alcoolisation, du point de vue des usages sociaux plutôt qu’individuels, ont été abordées. La conceptualisation goffmanienne de l’institution totale a été féconde pour donner du sens aux relations professionnelles telles qu’elles se sont déroulées pendant l’opération. Nous avons, ainsi, pu montrer comment l’alcool participe aux processus de construction identitaire de la « militarité » à travers un certain nombre de rituels. En outre, la question de la relation à l’alcool a permis de mettre en évidence la manière dont les conduites d’alcoolisation, qu’elles soient permises, organisées par le commandement ou transgressives, diffèrent selon l’appartenance hiérarchique. Cette différenciation s’enracine dans les interactions quotidiennes, à travers une division morale du travail qui assigne certains militaires, ici les « engagés volontaires », à une place qui limite leurs possibilités d’intégration. Nous insisterons sur la manière dont la construction de cette « moralité » s’inscrit dans des pratiques de « surveillance » et révèle une conception particulière de la jeunesse. La professionnalisation des armées homogénéise, en effet, l’engagement de chaque individu, qui devient lui aussi un professionnel. L’ancienne division du travail est donc ébranlée et semble être à l’origine de stratégies de distinction et de délimitation du groupe d’appartenance. Alcohol is almost spontaneously associated to armies as their uniforms. Even so, modalities of its consummation could enlighten another section of military realities. The study conducted in a fighting unit of army, and based on the experience of a five month mission in ex-Yugoslavia, tackles the practices of alcoholisation from the point of view of social practices rather individual activities, according to the role and status in this profession. Goffman’s conceptualisation of total institution was productive in order to give sense to professional relations produced during the operation. We show how alcohol takes part in the process of military identity construction through several rituals. Moreover, the question of relation to alcohol helped to highlight how practices of alcoholisation, that are permitted, organized by the commandment or transgressive, are different according to the ethnic origin. This differentiation becomes established in daily interactions, through a moral division of work that assigns several soldiers – the « voluntary engaged » – to a place that limited their possibilities of integration. We will insist on how the construction of this « morality » is linked to practices of « surveillance » and reveals a specific conception of the youth. Professionalisation of armies homogenizes commitment of each individual also becoming a professional. So, the old division of work is shaken and seems to be at the origin of these strategies of distinction and delimitation of the group membership. ResumenEl alcohol se ha asociado a los ejércitos casi igual de espontáneamente que los propios uniformes. Sin embargo, las modalidades de su consumo ¿no son acaso susceptibles de aclarar otras formas de la realidad militar? Partiendo de una investigación de terreno llevada a cabo en una unidad de combate del ejército de tierra, durante la cual participamos de una misión de cinco días en la antigua Yugoslavia, quisimos abordar las prácticas de alcoholización desde el punto de vista de las costumbres sociales más que de las individuales y, notablemente, de los roles y estatus en esta profesión. La conceptualización goffamniana de la institución total, fue fecundada para darle sentido a las relaciones profesionales tal y como fueron declinando durante el operativo. De este modo, pudimos mostrar cómo el alcohol permitió poner en evidencia las formas y modos de la alcoholización (sean estas permitidas, organizadas por los comandos o transgresivas) que difieren de acuerdo con la pertenencia a una u otra estructura jerárquica. Esta diferenciación tiene raíces en las interacciones cotidianas a través de una división moral del trabajo que asigna a algunos militares, los « comprometidos voluntarios », a un puesto que limita sus posibilidades de integración. Insistiremos en el modo como la construcción de esta « moralidad » se inscribe en las prácticas de « vigilancia » y pone de manifiesto una particular concepción de la juventud. La profesionalización de los ejércitos, en efecto homogeniza el compromiso de cada individuo, lo cual se convierte también en un hecho profesional. La antigua división del trabajo es entonces estremecida y parece estar en el origen de estas estrategias de diferenciación y de eliminación del grupo de pertenencia.
Alcool et sociabilité militaire : de la cohésion au contrôle, de l'intégration à l'exclusion - 2007.
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RésuméL’alcool est presque aussi spontanément associé aux armées que leurs uniformes. Pourtant, les modalités de sa consommation ne sont-elles pas susceptibles d’éclairer un autre pan des réalités militaires ? Ne peuvent-elles pas informer sur les rôles et statuts dans ce corps professionnel ? À partir d’une enquête de terrain menée dans une unité combattante de l’armée de terre, durant laquelle nous avons participé à une mission de cinq mois en ex-Yougoslavie, les pratiques d’alcoolisation, du point de vue des usages sociaux plutôt qu’individuels, ont été abordées. La conceptualisation goffmanienne de l’institution totale a été féconde pour donner du sens aux relations professionnelles telles qu’elles se sont déroulées pendant l’opération. Nous avons, ainsi, pu montrer comment l’alcool participe aux processus de construction identitaire de la « militarité » à travers un certain nombre de rituels. En outre, la question de la relation à l’alcool a permis de mettre en évidence la manière dont les conduites d’alcoolisation, qu’elles soient permises, organisées par le commandement ou transgressives, diffèrent selon l’appartenance hiérarchique. Cette différenciation s’enracine dans les interactions quotidiennes, à travers une division morale du travail qui assigne certains militaires, ici les « engagés volontaires », à une place qui limite leurs possibilités d’intégration. Nous insisterons sur la manière dont la construction de cette « moralité » s’inscrit dans des pratiques de « surveillance » et révèle une conception particulière de la jeunesse. La professionnalisation des armées homogénéise, en effet, l’engagement de chaque individu, qui devient lui aussi un professionnel. L’ancienne division du travail est donc ébranlée et semble être à l’origine de stratégies de distinction et de délimitation du groupe d’appartenance. Alcohol is almost spontaneously associated to armies as their uniforms. Even so, modalities of its consummation could enlighten another section of military realities. The study conducted in a fighting unit of army, and based on the experience of a five month mission in ex-Yugoslavia, tackles the practices of alcoholisation from the point of view of social practices rather individual activities, according to the role and status in this profession. Goffman’s conceptualisation of total institution was productive in order to give sense to professional relations produced during the operation. We show how alcohol takes part in the process of military identity construction through several rituals. Moreover, the question of relation to alcohol helped to highlight how practices of alcoholisation, that are permitted, organized by the commandment or transgressive, are different according to the ethnic origin. This differentiation becomes established in daily interactions, through a moral division of work that assigns several soldiers – the « voluntary engaged » – to a place that limited their possibilities of integration. We will insist on how the construction of this « morality » is linked to practices of « surveillance » and reveals a specific conception of the youth. Professionalisation of armies homogenizes commitment of each individual also becoming a professional. So, the old division of work is shaken and seems to be at the origin of these strategies of distinction and delimitation of the group membership. ResumenEl alcohol se ha asociado a los ejércitos casi igual de espontáneamente que los propios uniformes. Sin embargo, las modalidades de su consumo ¿no son acaso susceptibles de aclarar otras formas de la realidad militar? Partiendo de una investigación de terreno llevada a cabo en una unidad de combate del ejército de tierra, durante la cual participamos de una misión de cinco días en la antigua Yugoslavia, quisimos abordar las prácticas de alcoholización desde el punto de vista de las costumbres sociales más que de las individuales y, notablemente, de los roles y estatus en esta profesión. La conceptualización goffamniana de la institución total, fue fecundada para darle sentido a las relaciones profesionales tal y como fueron declinando durante el operativo. De este modo, pudimos mostrar cómo el alcohol permitió poner en evidencia las formas y modos de la alcoholización (sean estas permitidas, organizadas por los comandos o transgresivas) que difieren de acuerdo con la pertenencia a una u otra estructura jerárquica. Esta diferenciación tiene raíces en las interacciones cotidianas a través de una división moral del trabajo que asigna a algunos militares, los « comprometidos voluntarios », a un puesto que limita sus posibilidades de integración. Insistiremos en el modo como la construcción de esta « moralidad » se inscribe en las prácticas de « vigilancia » y pone de manifiesto una particular concepción de la juventud. La profesionalización de los ejércitos, en efecto homogeniza el compromiso de cada individuo, lo cual se convierte también en un hecho profesional. La antigua división del trabajo es entonces estremecida y parece estar en el origen de estas estrategias de diferenciación y de eliminación del grupo de pertenencia.
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