L’éthique spéculative de Maître Eckhart : praxis et béatitude
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Ce que les historiens appellent la « mystique » d’Eckhart est en réalité une éthique spéculative radicalement neuve. En effet, même si le christianisme originel proclamait la priorité éthique de l’amour d’autrui, la pensée chrétienne, à la suite de la métaphysique d’Aristote, a consacré la supériorité de la théorie sur la pratique. L’analyse des œuvres d’Augustin et de Thomas d’Aquin permet de le vérifier. Mais dans le Sermon 86, consacré à Luc 10, 38-42, Eckhart soutient que Marthe est plus parfaite que Marie, renversant ainsi l’exégèse traditionnelle, favorable à la contemplation. Cette interprétation inouïe signifie que la béatitude est accessible ici-bas, et qu’elle l’est par la vie active. Une thèse aussi révolutionnaire n’a pu être acquise qu’en remaniant de fond en comble les concepts fondamentaux de l’éthique aristotélicienne, et en unissant la phronêsis à la considération selon Bernard de Clairvaux, dans un concept original de souci, fondant ainsi une synthèse neuve : une éthique spéculative.
What historians call Eckhart’s “mysticism” is in fact a radically new speculative ethics. Indeed, even if original Christianity proclaimed the ethical priority of love for others, Christian thought, following Aristotle’s metaphysics, consecrated the superiority of theory over practice. An analysis of the works of Augustine and Thomas Aquinas confirms this. But in Sermon 86, devoted to Luke 10:38-42, Eckhart argues that Martha is more perfect than Mary, thereby reversing the traditional exegesis, which favours contemplation. This unprecedented interpretation means that beatitude is attainable here on earth, through the active life. Such a revolutionary thesis could only be achieved by reworking the fundamental concepts of Aristotelian ethics from top to bottom, and by uniting phronêsis with Bernard of Clairvaux’s consideration, in an original concept of “concern,” thus founding a new synthesis: a speculative ethics.
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