D’un art de l’exil à un art en exil ?
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After 2011, Syrian artists attained unprecedented international visibility, particularly in major host cities such as Paris, Berlin, and Beirut, elevating the figure of the “Syrian artist in exile.” This label, based on a romanticized (re)presentation of the committed artist, whose work is primarily focused on revolution, war, and exile, assumes that neither the artist nor their creations are impacted by the new conditions of art production or the sociocultural and identity reconfigurations brought about by displacement. This article explores this paradox and examines, through field research conducted with around thirty exiled Syrian visual artists, the tangible impact of exile on their creative process. It proposes conceptualizing this production as an art in exile, continuously (re)shaped, rather than an art of exile, confined to specific themes. Far from a monolithic vision of “non-Western” or “exiled” art, these works reflect a continuous adaptation to new creative conditions in host countries, significant disciplinary and conceptual hybridization, and a diversification of artistic themes. These themes reflect both the evolution of contemporary exiled Syrian art and the prevailing social representations within their host environments.
Les artistes syriens ont acquis, après 2011, une visibilité sans précédent à l’international et en particulier dans de grandes villes d’accueil que sont Paris, Berlin et Beyrouth, confinant à l’émergence d’une exaltation de la figure de « l’artiste syrien en exil ». Cette étiquette, fondée sur une (re)présentation romantisée de l’artiste engagé dont les œuvres se concentreraient essentiellement sur la révolution, la guerre et l’exil, suppose que l’artiste et ses œuvres ne seraient impactés ni par les nouvelles conditions de création ni par les recompositions socioculturelles et identitaires induites par le déplacement. L’article investit ce paradoxe et interroge, à partir d’une enquête de terrain auprès d’une trentaine de plasticiens syriens exilés, ce que l’exil fait concrètement à leur processus créatif. Il propose de penser cette création comme un art en exil, continuellement en train de se (re)faire, plutôt que comme un art de l’exil, focalisé sur des thématiques précises. Loin d’une vision monolithique de l’art « non‑occidental » ou « exilé », les œuvres témoignent d’une adaptation constante aux nouvelles conditions de création dans les pays d’accueil, d’une hybridation disciplinaire et conceptuelle importante du faire-art, et d’une diversification des thématiques abordées, qui reflètent autant les évolutions de la création syrienne exilée contemporaine que les représentations sociales en vigueur dans leur environnement d’accueil.
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