Retour à l’égalité : la figure du Hottentot dans le second Discours de Rousseau
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Rousseau’s Discourse on Inequality is accompanied by a frontispiece depicting a « Hottentot » who, having stripped himself of all the trappings of civilization, bids farewell to a group of Europeans by announcing his decision to « live & die in the religion, manners & customs of my ancestors. » This engraving, entitled « He returns to his equals » which was widely circulated and reinterpreted over the course of the century was influential in renewing the debates around the figure of the “savage” during the Enlightenment. This paper analyzes Rousseau’s choice to illustrate his Discourse with the image of a “savage” who renounces civilization to reclaim his natural freedom. We will consider how the scene evoked in the engraving provides a key to reading the entire work. While choosing to illustrate the thesis of his Discourse with an episode taken from a collection of travel writings – the Abbé Prévost’s History of Voyages – Rousseau gives it a new import. Indeed, while the quoted passage was meant to illustrate the Hottentots’ attachment to their religion and their reluctance to convert, Rousseau strips the notion of conversion of its religious context and reinterprets it in a political sense : it is the social pact with modernity – with the luxury and the inequality that are inseparable from it – that the Hottentot rejects in the frontispiece. Convinced as he is of the limits of his eloquence the Hottentot departs immediately upon speaking, without waiting for a reply. The effectiveness of his speech is guaranteed by the action that accompanies it, not by the strength of his argument. Furthermore, his demonstration is based on real-life experience. The Hottentot has been in a position to compare both systems and he has made a free and enlightened choice.
Le Discours sur l’inégalité de Rousseau est accompagné d’un frontispice représentant un « Hottentot » qui, s’étant dépouillé de tous les attributs de la civilisation, prend congé d’un groupe d’Européens en leur annonçant sa décision de « vivre & de mourir dans la religion, les manieres & les usages de [s]es ancêtres ». Cette gravure, intitulée « Il retourne chez ses égaux », fut très largement diffusée et réinterprétée au cours du siècle et contribua de manière significative à renouveler le regard porté sur la figure du « sauvage » dans la littérature des Lumières. Cet article se propose d’analyser le choix fait par Rousseau d’illustrer son Discours par l’image d’un « sauvage » qui renonce à la civilisation pour reprendre sa liberté naturelle. Nous nous interrogeons sur la manière dont la scène dépeinte dans la gravure fournit une clé de lecture pour l’œuvre entière. Rousseau choisit d’illustrer la thèse de son Discours par un épisode tiré d’un récit de voyage, mais en donnant à celui-ci une inflexion nouvelle. Ainsi, tandis que le passage de l’Histoire des voyages de l’abbé Prévost cité par Rousseau s’inscrivait à l’intérieur d’une réflexion sur l’attachement des Hottentots à leur religion et leur répugnance à se convertir, Rousseau détache la notion de conversion de son contexte religieux et la réinterprète dans un sens politique : c’est le pacte social avec la modernité – et son luxe et son apparat – que le Hottentot rejette dans le frontispice. Le Hottentot ne se contente pas de discourir : convaincu qu’il est de la limite de son éloquence, il part « Aussi-tôt, sans attendre la réponse ». L’efficacité de son discours est garantie par l’action qui l’accompagne, et non par l’argumentation. D’autre part, sa démonstration repose sur son expérience vécue car il a pu comparer les deux systèmes. Son choix est libre et éclairé, ce qui lui confère une valeur d’exemplarité.
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