An acceptable daily intake of bad news
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Depuis le milieu des années 1990, la question de la pollution de l’air dans les lieux d’habitation s’est introduite en toute discrétion dans l’agenda politique et médiatique français. Confiné en périphérie du marché hautement concurrentiel des problèmes de santé publique, dominé par des « scandales » comme celui de l’amiante, le problème de l’exposition prolongée des habitants aux polluants domestiques fait l’objet d’un traitement médiatique relativement faible qui relève pour l’essentiel du registre didactique ou pédagogique. Pris en charge par des journalistes non spécialisés et occasionnels, le problème échoue généralement dans des rubriques qui, d’un point de vue journalistique, occupent des places secondaires (santé, environnement, bien-être, maison). Le présent article s’attache à rendre compte des conditions sociales du confinement médiatique de cet enjeu, pourtant décrit par certains comme un « fléau sanitaire » participant d’une inquiétante épidémie de maladies chroniques. Cette enquête sur la carrière du problème de l’air intérieur dans la presse française entre 1995 et 2015 repose sur l’analyse d’un corpus de publications écrites et audiovisuelles (n=746) et une campagne d’entretiens auprès de journalistes et de « communicants » ayant travaillé à publiciser cet enjeu (n=16). L’analyse des données permet de saisir quelques-uns des mécanismes qui assurent l’exposition médiatique contrôlée des publics à ce problème : d’une part, les rapports inégaux entre les journalistes et leurs sources (scientifiques, institutionnelles, administratives, politiques, etc.), qui contribuent à les entretenir dans un rôle de relais des politiques sanitaires ; d’autre part, des tendances propres au champ journalistique, telles que les transformations des conditions de production de l’information et de travail des journalistes dans un contexte de renforcement des logiques économiques et de montée en puissance d’une communication institutionnelle elle-même soumise à la contrainte médiatique.
Since the mid-1990s, the issue of indoor air pollution has discreetly made its way onto French political and media agendas. Confined to the periphery of the highly-competitive public health problem market, the issue of the long-term exposure of inhabitants to household pollutants receives little media coverage, and even that is predominantly didactic and educational in nature. Covered by non-specialist and occasional journalists, the problem generally appears in sections of secondary importance from a journalistic point of view. The current article analyses the social conditions of the media confinement of this issue, paradoxically described by some analysts as a “sanitary scourge” that may play a role in a worrying epidemic of chronic diseases. This inquiry into the career taken by the indoor air problem in French media between 1995 and 2015 is based on the analysis of a corpus of written and audiovisual publications (n=746) and a campaign of interviews with journalists and communicators having worked to publicize this issue (n=16). Data provides us with a better understanding of the mechanisms ensuring that media exposure of this problem to the public remains tightly controlled: on the one hand, the unequal relationships between journalists and their sources which helps reduce their role to that of mere relayers of public health policy, and on the other, the specific dynamics at work within the journalistic field. These include transformations in the conditions of information production and the work of journalists in a context of reinforced economic pressures and the rising influence of public communication.
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