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Au plus profond du cœur de l’expérience traumatique extrême (par exemple, un génocide ou des abus sexuels sur enfants) réside la destruction de la dyade internalisée et empathique de la communication. Comme le bourreau ne tient pas compte des supplications des victimes et procède impitoyablement à leur exécution, le « Tu » intérieur, l’adresse avec laquelle un dialogue intérieur peut prendre place – un élément indispensable à la symbolisation et à la constitution d’un monde intérieur – cesse d’exister. Sans ce dialogue interne, la représentation psychique de l’expérience traumatique ne peut exister et un récit pouvant se raconter à quelqu’un d’autre ne peut se constituer. En conséquence et dans une large mesure, le témoin « ne sait pas » ce qu’il sait de son expérience de l’extrême. C’est seulement à travers le processus du témoignage, en compagnie d’un écoutant intime, d’un écoutant totalement présent, que le « Tu » intérieur perdu peut commencer à être rétabli et qu’un processus de dialogue interne, de symbolisation et de formation d’un récit peut reprendre. Une mémoire est ainsi créée qui peut, à la fois, être reprise et oubliée. L’intervention du témoignage vidéo décrite ici a un effet thérapeutique, à la fois en créant la possibilité d’un passé remémoré, et aussi, en libérant un espace émotionnel disponible au présent. Le discours du trauma est parcouru d’essais infructueux de mise en narration du trauma, allant de trous de mémoire temporaires à des états de dissociation voire de mutisme total : on donnera des exemples de telles « crises du témoignage ».