Sur l’aveugle résistance des rêves
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« L’histoire du rêve reste encore à écrire », note Walter Benjamin dans son livre sur les rêves. Sa position est respectueuse mais critique à l’égard de Freud. Le rêve, pense-t-il, ne comporte aucun déguisement, il a en revanche un « caractère secret » qu’il convient de protéger. Nul besoin de faire appel à un contenu latent qui résoudrait l’énigme du rêve. Le sens du rêve est la rencontre que le moi peut faire de lui-même « comme il lui est impossible de le faire dans la vie éveillée ». Marguerite Yourcenar témoigne, dans un registre proche, d’une compréhension poétique du rêve. Le dormeur, écrit-elle « assemble des images comme le poète assemble des mots : il en use avec plus ou moins de bonheur pour parler de soi à soi-même ». Les rêves recueillis entre 1930 et 1939 par Charlotte Beradt s’opposent encore plus nettement à l’interprétation freudienne. Ils ne renvoient pas au passé des rêveurs mais à la contrainte et à la domination nazies qui sont en train de s’établir en Allemagne. Les rêveurs, note-t-elle, « ne sont pas confrontés à des conflits de leur vie privée mais à ceux dans lesquels les a plongés l’espace public ». Ce n’est pas non plus l’interprétation freudienne qui peut rendre compte des rêves d’hommes noirs notés par Franz Fanon. Soigner la névrose de ces patients conduit à « transformer les structures sociales ». Parmi les analystes dissidents critiquant l’interprétation freudienne d’un point de vue non directement politique mais ouvert au social, Alfred Adler et Carl G. Jung apportent un complément utile en mettant l’accent sur le complexe d’infériorité et la volonté de puissance, pour le premier, et la dynamique archétypique, la compensation et le jeu des contraires pour le second.
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