Hilflosigkeit Dieu, ses trois vies, ses sept différences
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RésuméL’espèce humaine ( Homo sapiens) est le produit d’une mutation génétique en principe létale. Les petits qui en sont issus sont, durant des années, d’une extrême fragilité. Les adultes qui ont survécu gardent, toute leur vie, nombre de traits biologiques de la prématurité. À partir de cet accident génétique, n’ont pu survivre que les groupes ayant développé autour des petits une intense et longue coopération. L’état biologique de prématurité et de fragilité du nouveau-né humain correspond, sur le plan du vécu, à ce que Freud appelle Hilflosigkeit (état de déréliction, de « désaide »). Paradoxalement, cette impuissance initiale et ce sentiment de détresse se sont trouvés à l’origine de la capacité d’apprendre et de transmettre, de l’aptitude à la symbolisation, de l’érotisation du corps et des relations, ainsi que des comportements éthiques dont la pierre d’angle est la solidarité. L’érotisation du corps, dans sa relation précoce à l’autre, est à la source même de la pulsion (Jean Laplanche) et dès lors du désir de vivre. Mais cette dernière, qui vise à la satisfaction immédiate, est par définition en conflit avec les exigences de survie qui impliquent, elles, retenue et soumission aux règles de la vie collective (Sigmund Freud, Malaise dans la culture, 1929). Dans cette perspective, chaque culture correspond à un type d’équilibre plus ou moins viable entre « pulsion » et « civilisation ». Plus précisément, tout équilibre culturel connu passe par le codage normatif, pour une population donnée, des modes de maintien de sept différences (vivants et morts ; animaux et humains ; femmes et hommes ; humains et dieux ; parents et enfants ; épousables et non-épousables ; comportements sexuels permis et interdits). La non-reconnaissance d’une seule de celles-ci signe de tout temps pour un individu ce qu’on appelle la « folie ».
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