46

RésuméCet article propose une approche psychanalytique de l’origine du processus créateur dans l’œuvre d’Antonin Artaud, qui enracine sa création dans la corporéité, à la fois dans son propre corps et dans celui du texte. Cet « insurgé du corps » s’acharne à détruire/créer son corps et le corps de la langue, à s’exproprier de son propre corps pour pouvoir s’approprier dans l’écriture un corps autoengendré. Le rôle joué par le corps dans la création, qui s’édifie à partir de vécus corporels typiques de la psychose, apparaît particulièrement dans les derniers textes d’Artaud, annonciateurs du traitement du corps dans l’art contemporain.Différentes figures du corps seront dégagées à partir des derniers textes d’Antonin Artaud, figures d’un corps cadavre, d’un corps neuf, refait « en reprenant la question de la génération », d’un corps persécuteur, d’un corps meurtrier de la pensée, des corps catapultes des mots… Dans la poésie d’Artaud, la matière verbale devient organique et il s’agit d’interroger la façon dont cet écrivain a pu donner chair aux mots, dont il a réussi à transposer dans la corporéité du texte des vécus corporels agonistiques.

This article proposes a psychoanalytical approach of the origin of the creative process in the work of Antonin Artaud, who firmly fixes his creation in corporality, both in his own body and in that of the text. This « screaming body » desperately tries to destroy/create his body and the body of language, and tries to expropriate itself from his own body to be enable to appropriate a self-generated body through writing. The role played by the body in creation, which is built up from physical experiences, typical of psychosis, is particularly apparent in the final texts by Artaud, heralding the treatment of the body in modern art.Different figures of the body are revealed in Antonin Artaud’s final texts : figures of a dead body, of a new body, remade « through the question of generation », of a persecuting body, of a body murderous through thought, bodies which are word catapults… In Artaud’s poetry, verbal matter becomes organic and it is necessary to question the way the writer was able to give life to words, which he managed to transpose into the corporality of the text of agonistic, physical experiences.