Vers une « association universelle » des femmes ? Émancipation, circulations intellectuelles et réseaux franco-britanniques dans la Tribune des femmes et The Crisis (1832‑1834)
Type de matériel :
TexteLangue : français Détails de publication : 2023.
Ressources en ligne : Abrégé : En août 1832, au lendemain des Trois Glorieuses, deux jeunes saint-simoniennes parisiennes, Marie-Reine Guindorf et Désirée Véret, fondent La Femme libre, première revue féministe française véritablement aboutie. Plus tard rebaptisée Tribune des femmes, elle se dote d’un programme ambitieux en dépit de moyens financiers limités : l’« union universelle » des femmes comme prélude à l’égalité des sexes. Ces idéaux sont mis en pratique grâce à l’émergence de réseaux franco-britanniques. Par l’intermédiaire de la féministe anglo-irlandaise Anna Doyle Wheeler, un partenariat politique et intellectuel se noue de 1832 à 1834 entre la Tribune des femmes et The Crisis, principal organe du mouvement socialiste outre-Manche.Cet article entend éclairer le caractère radical, sinon révolutionnaire, de ce rapprochement. En dépit de sa courte existence, ce premier réseau féministe franco-britannique s’est approprié le concept socialiste d’association pour le mettre au service d’une définition maximaliste de l’émancipation féminine, entendue non seulement comme un gage d’égalité et de liberté, mais surtout comme le moyen d’une transformation totale de la société à rebours des rapports de pouvoir patriarcaux, pour aboutir à une véritable « révolution morale ». Il s’agira donc d’analyser conjointement les circulations intellectuelles et les trajectoires personnelles afin d’interroger la nature et les enjeux de cette intersection entre socialisme, féminisme naissant et transnationalisme. Il conviendra tout d’abord de replacer l’essor de ce partenariat dans le contexte du moment révolutionnaire de 1830 et de ses espoirs déçus en matière d’égalité des sexes. Au-delà des revendications d’autonomie, l’association féminine sera envisagée comme une volonté de repenser de l’intérieur les idéaux d’affranchissement universel qui fondent le socialisme. Enfin, la réception de cette entreprise d’union entre les femmes sera passée au crible de leur statut marginal au sein des divers courants socialistes de l’époque, ainsi que des relations complexes et des rivalités internationales qui ont pu exister entre ces derniers.Abrégé : In August 1832, in the wake of the Trois Glorieuses, two young Parisian Saint- Simonians, Marie-Reine Guindorf and Désirée Véret, founded La Femme libre, the first truly successful French feminist periodical. Later renamed Tribune des femmes, it had an ambitious programme despite limited financial means: the “universal union” of women as a prelude to gender equality. These ideals were put into practice thanks to the emergence of Franco-British networks. Through the Anglo-Irish feminist Anna Doyle Wheeler, a political and intellectual partnership was formed in 1832‑1834 between the Tribune des femmes and The Crisis, itself the main organ of the socialist movement in Britain.This paper aims to shed light on the radical, if not revolutionary, nature of this joint endeavour. Despite its short existence, this first Franco-British feminist network appropriated the socialist concept of association to harness a maximalist definition of female emancipation, understood not only as a way to secure equality and freedom, but above all as the means of a total transformation of society away from patriarchal power relations, thus paving the way for a truly “moral revolution”. This paper jointly analyses intellectual circulations and personal trajectories in order to question the nature and the stakes of this intersection between socialism, nascent feminism and transnationalism. First, it will study the development of this partnership in the context of the 1830 Revolution and its failure to sustain advances in the field of gender equality. Beyond the demands for autonomy, the women’s association will be envisioned as a desire to rethink from within the ideals of universal emancipation that form the very fabric of socialism. Finally, the reception of this “universal union” of women will be examined in the light of their marginal status within the various socialist currents of the time, as well as the complex relations and international rivalries that existed between them.
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En août 1832, au lendemain des Trois Glorieuses, deux jeunes saint-simoniennes parisiennes, Marie-Reine Guindorf et Désirée Véret, fondent La Femme libre, première revue féministe française véritablement aboutie. Plus tard rebaptisée Tribune des femmes, elle se dote d’un programme ambitieux en dépit de moyens financiers limités : l’« union universelle » des femmes comme prélude à l’égalité des sexes. Ces idéaux sont mis en pratique grâce à l’émergence de réseaux franco-britanniques. Par l’intermédiaire de la féministe anglo-irlandaise Anna Doyle Wheeler, un partenariat politique et intellectuel se noue de 1832 à 1834 entre la Tribune des femmes et The Crisis, principal organe du mouvement socialiste outre-Manche.Cet article entend éclairer le caractère radical, sinon révolutionnaire, de ce rapprochement. En dépit de sa courte existence, ce premier réseau féministe franco-britannique s’est approprié le concept socialiste d’association pour le mettre au service d’une définition maximaliste de l’émancipation féminine, entendue non seulement comme un gage d’égalité et de liberté, mais surtout comme le moyen d’une transformation totale de la société à rebours des rapports de pouvoir patriarcaux, pour aboutir à une véritable « révolution morale ». Il s’agira donc d’analyser conjointement les circulations intellectuelles et les trajectoires personnelles afin d’interroger la nature et les enjeux de cette intersection entre socialisme, féminisme naissant et transnationalisme. Il conviendra tout d’abord de replacer l’essor de ce partenariat dans le contexte du moment révolutionnaire de 1830 et de ses espoirs déçus en matière d’égalité des sexes. Au-delà des revendications d’autonomie, l’association féminine sera envisagée comme une volonté de repenser de l’intérieur les idéaux d’affranchissement universel qui fondent le socialisme. Enfin, la réception de cette entreprise d’union entre les femmes sera passée au crible de leur statut marginal au sein des divers courants socialistes de l’époque, ainsi que des relations complexes et des rivalités internationales qui ont pu exister entre ces derniers.
In August 1832, in the wake of the Trois Glorieuses, two young Parisian Saint- Simonians, Marie-Reine Guindorf and Désirée Véret, founded La Femme libre, the first truly successful French feminist periodical. Later renamed Tribune des femmes, it had an ambitious programme despite limited financial means: the “universal union” of women as a prelude to gender equality. These ideals were put into practice thanks to the emergence of Franco-British networks. Through the Anglo-Irish feminist Anna Doyle Wheeler, a political and intellectual partnership was formed in 1832‑1834 between the Tribune des femmes and The Crisis, itself the main organ of the socialist movement in Britain.This paper aims to shed light on the radical, if not revolutionary, nature of this joint endeavour. Despite its short existence, this first Franco-British feminist network appropriated the socialist concept of association to harness a maximalist definition of female emancipation, understood not only as a way to secure equality and freedom, but above all as the means of a total transformation of society away from patriarchal power relations, thus paving the way for a truly “moral revolution”. This paper jointly analyses intellectual circulations and personal trajectories in order to question the nature and the stakes of this intersection between socialism, nascent feminism and transnationalism. First, it will study the development of this partnership in the context of the 1830 Revolution and its failure to sustain advances in the field of gender equality. Beyond the demands for autonomy, the women’s association will be envisioned as a desire to rethink from within the ideals of universal emancipation that form the very fabric of socialism. Finally, the reception of this “universal union” of women will be examined in the light of their marginal status within the various socialist currents of the time, as well as the complex relations and international rivalries that existed between them.




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