Langues et identités en contexte exolingue : discours de trois couples franco-éthiopiens à Addis-Abeba
Type de matériel :
78
Cette étude sociolinguistique des discours de trois couples franco-éthiopiens s’ancre dans une approche d’un bilinguisme individuel vu comme une pratique sociale. Les six enquêtés vivent au quotidien des interactions verbales marquées par l’asymétrie des répertoires langagiers et par la pluralité des langues/cultures convoquées : après s’être rencontrés en anglais, ils vivent aujourd’hui principalement en français, langue marginale en Éthiopie. L’importance des langues en tant qu’attributs ethniques dans le contexte urbain et plurilingue qu’est Addis-Abeba, fait identifier quelques enjeux du « faire couple » pour les six enquêtés et justifie du recueil de récits biographiques pour l’analyse de leurs interactions langagières. L’analyse discursive des six entretiens rend compte des interprétations des principaux événements communicatifs relatés, entre espaces privés et espaces publics, entre espaces francophones et amharophones. L’exolinguisme oblige ainsi à recourir à des stratégies de communication qui ont la particularité d’être à la fois insécurisantes pour chacun et fortement structurantes pour le couple. Les résultats montrent que lorsque les enquêtés évoquent des situations dans lesquelles leur compétence linguistique est minimale, leurs discours font le plus souvent référence aux identités et aux cultures de chacun. Mais lorsqu’ils relatent des événements dans lesquels l’asymétrie est moindre, ils centrent davantage le propos sur la compréhension verbale. Se dessinent alors des pratiques langagières distinctes selon la valeur accordée aux notions de face et de diversité : ces pratiques participent à la construction d’identités qui trouvent leur cohérence dans la mixité elle-même.
Languages and identities in an exolingustic milieu : three French-Ethiopian couples in Addis-Abeba talk This sociolinguistic study of the discourse of three French-Ethiopian couples approaches individual bilingualism as social praxis. The verbal interactions of the six interviewees are marked by asymmetrical language repertoires and by the plurality of languages and cultures involved : after having met their partner in English, they lead their lives today mainly in French, a language that remains marginal in Ethiopia. The fact that languages are seen as ethnic attributes in the urban and multilingual context of Addis-Abeba allowed us to identify a certain number of elements at stake for our six informers when “building their couple” and use their biographical narratives to analyze their linguistic interactions. Exolingualism obliges them to resort to communication strategies which are specific in that they are both a source of linguistic insecurity for each individual and a way of fortifying the couple’s relationship. Results show that when interviewees speak about situations where their linguistic competence is minimal, their discourse usually refers to each partner's identities and cultures. But when they talk about situations where their linguistic asymmetry is less apparent, they concentrate more on making themselves understood. Distinctive language practices appear according to the value attached to the notions of face and diversity that participate in building identities whose co-herence is precisely defined by their mixedness.
Réseaux sociaux