85

Le dernier ouvrage de Paul Ricœur, intitulé Parcours de la reconnaissance, nous invite lui-même à la gratitude. C’est en héritiers endettés que nous nous situons face à l’œuvre immense du philosophe réformé décédé l’an dernier : son goût du « dialogue universel » avec la plupart des courants de pensée du XXe siècle, son art de l’admiration sans cesse cultivée contre l’ennui, sa volonté de décentrement du cogito sur la « voie longue de l’herméneutique », son humilité d’auditeur de la poétique biblique en sa polyphonie multiforme l’ont maintenu jeune jusqu’au bout de son existence. Dans la joie du oui prononcé au cœur de la tristesse du fini.

The very title of Paul Ricœur’s last book Parcours de la reconnaissance is, by itself, an invitation to gratitude. This recently deceased (2005) protestant writer has left us deeply indebted for his immense philosophical work. His appetite for a universal dialogue with most of the philosophical trends of the last century, the art of admiration which he ceaselessly nurtured against boredom, his stubbornness at decentring the cogito on the long way of hermeneutics, his humble listening to the biblical poetry in its multifarious polyphony... have succeeded in keeping him young until his very last days. In a joyful yes pronounced at the heart of a sadness-loaded finite.