Les origines ludiques de la notion de monnaie
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Dans cet article, je rappelle que les théories actuelles font l'impasse sur le rôle essentiel de l'argent dans beaucoup de jeux contemporains pour rendre compte de l'origine de la monnaie. À côté des explications plus économistes comme celle du troc, les regards anthropologiques sur les premiers usages monétaires se focalisent en effet sur le paiement de la fiancée, la dette, les échanges cérémoniels, les sacrifices… mais ne disent mot des paris ou des récompenses qui accompagnent les jeux. De nombreux exemples tant ethnographiques qu'historiques (du wampum nord-amérindien aux jeux homériques) montrent pourtant une association étroite entre les premiers instruments monétaires et les pratiques ludiques. Un double obstacle semble avoir jusqu'aujourd'hui occulté ce constat : la monnaie serait une chose trop sérieuse pour y déceler des origines ludiques, le jeu serait dénaturé dès lors qu'il est attaché à l'argent. Or poser la question des origines ludiques de la monnaie fait revenir aux propos fondateurs de Mauss qui affirmait non seulement la nature (pré)monétaire des cuivres de Colombie britannique mais aussi le caractère ludique du potlatch ! En conclusion, j'invite à intégrer cette dimension ludique dans la réflexion sur les origines de la monnaie (sans affirmer pour autant que la monnaie n'aurait qu'une origine ludique, ce qui serait absurde).
In this article, I recall that many of the present theories make no mention of the essential role that money plays in many of today's games when accounting for the origin of money. Besides the economists' explanation in terms of barter, the anthropologists' gazes on the first monetary uses focalise on the dowry, debt, ceremonial exchanges, sacrifices… yet say nothing of the bets and rewards accompanying games. Still, numerous ethnographic as well as historical examples (from the North-American wampum to Homeric games) attest to a close relation between the first monetary instruments and ludic practices. A double obstacle seems to have occulted this fact: First, money is considered too serious for one to detect ludic origins. Second, games are seen as degenerate once there is money involved. Yet asking the question of the ludic origins of money constitutes a return to Mauss' foundational propositions when he affirmed not only the pre-monetary nature of bronzes in British Columbia, but also the ludic nature of the potlatch! In conclusion, I invite that we integrate this ludic dimension in the reflection on the origins of money (without going to extent of affirming that money has a solely ludic origin, which would be absurd).
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