Croire en démocratie et croire en la démocratie
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Notre manière de croire est révélatrice de notre rapport à la démocratie. Telle est l’hypothèse qui guide la présente réflexion. Celle-ci part d’une interrogation sur la justification épistémique de la croyance. En revenant sur l’opposition entre la thèse « volontariste » et la thèse « évidentialiste », on montrera qu’il n’est pas possible de rabattre l’éthique de la croyance sur une morale pratique — une morale de l’utilité ou de l’efficacité —, l’agent n’étant responsable ni de ses croyances, ni des normes qui les gouvernent. Une épistémologie des vertus (de la personne) s’avère donc plus adéquate, pour appréhender le fondement éthique de la croyance, qu’une théorie déontologique de la justification (de l’action de croire). L’approche épistémique de la démocratie par laquelle se poursuit l’analyse souligne les enjeux politiques autour de la formation des croyances dans un système compris comme un « espace de raisons ». Après avoir décrit la relation paradoxale qui unit, dans ce système, l’égalité et la vérité, on montre que les théories de la démocratie élaborées pour résoudre ce paradoxe supposent toutes des citoyens épistémiquement vertueux. On confrontera alors cette observation à la réalité contemporaine pour montrer combien le mélange d’indifférence et de méfiance qui caractérise notre rapport à la vérité fragilise les fondements psychologiques et cognitifs de la démocratie. Enfin, on tentera de dégager quelques conditions concrètes de nature à consolider ces fondements pour passer d’une démocratie de la crédulité à une démocratie de la connaissance.
Our way of believing says a lot about our relation to democracy. Here is the fundamental assumption on which the present reflection is based. It starts from an interrogation about the epistemic justification of belief. By coming back, in the first part of the paper, on the opposition between the “voluntarist” and the “evidentialist” theses, we will show that the ethics of belief cannot be reduced to a practical moral — a moral of utility or of effectiveness, considering that the agent is responsible neither for his beliefs nor for the norms which rule them. Hence, a virtue epistemology (virtue of the person) turns out to be more adequate, to understand the ethical foundation of belief, than a deontological theory of justification (of the act of believing). The epistemic approach to democracy, which is the subject of the second part, underlines the political stakes around the formation of beliefs in a system understood as a “space of reasons”. After describing the paradoxical relationship which links, in this system, equality and truth, we will show that every theory of democracy developed to answer to this paradox requires epistemically virtuous citizens. We will then consider this observation in light of reality of contemporary democracy, to show how much the mix of indifference and suspicion which characterizes our attitude toward truth weakens the psychological and cognitive foundations of democracy. Finally, we will try to present some of the conditions able to consolidate those foundations in order to pass from a democracy of credulity to a democracy of knowledge.
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