Le crime de Clermont et la remise en cause des asiles en 1880
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En 1880, un événement tragique se produit dans le plus grand asile de France à Clermont (Oise). Un jeune fou est sauvagement battu puis tué par un de ceux qui était pourtant censé veiller à son rétablissement, le gardien-chef. À première vue, il ne s’agit que d’un fait divers sordide, juste révélateur des violences qui pouvaient parfois être subies par les aliénés. Mais au-delà de l’horreur du drame de 1880 se cache un matériau précieux pour qui s’intéresse à l’histoire de la folie en France. En effet, l’enquête et le scandale qui suivent l’assassinat forcent l’asile à ouvrir ses portes au monde extérieur. Fait exceptionnel, l’historien dispose ainsi de témoignages de malades qui livrent directement leur opinion sur leur quotidien, sans passer par l’intermédiaire du psychiatre. Autre originalité : la presse se sert de l’affaire de Clermont pour critiquer profondément la façon dont les fous sont traités. La pression est telle que les pouvoirs publics s’engagent à réformer la loi fixant les principes de la prise en charge des aliénés. Ces paroles de patients, ces articles de presse donnent donc une tout autre vision de la façon dont la folie était perçue et gérée à la fin du XIXe siècle que les archives médicales sur lesquelles se sont plus souvent penchés les historiens de la psychiatrie. Les sources originales que l’affaire de Clermont met au jour invitent ainsi à revoir, ou tout le moins à nuancer, la thèse du triomphe de la psychiatrie sur le monde de la folie à la fin du XIXe siècle.
In 1880 a tragic event unfolds in France’s largest mental asylum at Clermont (Oise). A young lunatic is savagely beaten to death by the very man responsible for his recovery, the chief warden. At first glance, it seems to be just another sordid news story, evidence of the violence often inflicted upon the mentally estranged. But beyond the horror of the 1880 drama lies precious material for anyone interested in the history of insanity in France. In effect, the investigation and scandal that follow the assasination force the insane asylum to open its doors to the outside world. The historian thus acquires the unprecedented testimony of the mentally ill who deliver their version of an average day in the asylum without the typical influence of the psychiatrist who normally acts as an intermediary. Equally exceptional is the fact that the press seizes the opportunity to profoundly criticize the treatment of the mentally deranged. The pressure is so great that the authorities take it upon themselves to reform the laws regarding the institutionalization of the mentally ill. The patients’ accounts along with the press articles shed a whole new light on the perception and management of the insane during the Nineteenth Century, a perspective not often dealt with by historians of psychiatry who depend mostly on the medical archives. The original sources brought to light by the Clermont affair provoke therefore a review — or at least an examination of the nuances — of the belief in the triumph of psychiatry over the world of insanity during the Nineteenth Century.
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