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La conviction très répandue que la guerre est l’ ultima ratio des relations internationales a dévalorisé l’asymétrie dans les rapports de pouvoir – notamment sur la scène européenne à l’époque moderne –, considérant qu’elle plaçait l’interaction sous le signe de la violence et de l’iniquité. Les relations asymétriques aboutiraient dans le meilleur des cas à la diplomatie de la domination dont rendrait compte le champ lexical de la protection, souvent réduit au protectorat. L’interprétation en termes d’histoire politique, mais aussi sociale et culturelle, des relations entre la République de Genève et la France au XVIIIe siècle démontre au contraire que rien n’empêche a priori l’interaction asymétrique de produire des résultats satisfaisants pour toutes les parties, respectant l’égalité juridique de la souveraineté des acteurs et leur inégalité de puissance dans la hiérarchie des États européens. En s’intéressant aux usages de la médiation comme instrument juridique privilégié de l’organisation des relations asymétriques entre la petite république lémanique et la France, il s’agit d’abord de clarifier les modalités d’intégration européenne de la cité-État. L’attention se porte ensuite sur le personnel de la diplomatie franco-genevoise afin de préciser les identités sociales et culturelles des agents dont les modes d’énonciation dépendent souvent du caractère asymétrique de l’interaction. Enfin, l’interprétation de l’usage stratégique des fêtes publiques à vocation diplomatique dans la République de Genève place les relations bilatérales avec la France dans un ordre européen complexe qui réserve à l’État le plus faible les ressources en faveur de son indépendance, tout en montrant de quelle manière la diplomatie constitue un espace de réciprocité, entre coopération et hostilité, où s’expriment les cultures politiques différentes.

The Republic of Geneva and France in the 18th century: asymmetrical diplomacy and political culturesThe widely shared conviction that war is the ultima ratio in international relations, which necessarily premised state interactions on the ideas of violence and iniquity, discredited the value of asymmetrical power relations, in particular those existing in Europe during the Modern Era. In view of that, asymmetrical relations amounted at best to a diplomacy of domination as expressed by the notion of protection, frequently reduced to the protectorate. However, if interpreted not only in terms of political but also social and cultural history, the relations between the Republic of Geneva and France in the 18th century demonstrate that a priori nothing prevents asymmetrical interactions from producing beneficial results for all parties involved, provided that one takes into account the legal equality of the sovereign actors as well as the power inequality that the hierarchy of the European states entailed. The present article begins by examining the modalities of Geneva’s integration into the European system as it focuses on the practices of mediation, the privileged juridical instrument for the organization of the relations between the small republic and the Kingdom of France. Subsequently this contribution considers the personnel of the Franco-Genevan diplomacy, thereby studying the social and cultural identities of these actors whose modes of expression largely depended on the asymmetrical nature of the interaction. Finally, the present text proposes an interpretation of the practices of public diplomatic celebrations in the city-state. This analysis places the bilateral relations with France in a complex European system that provided the weakest state with the means for its independence, while pointing to the reciprocal sphere of diplomacy, in which, between cooperation and hostility, different political cultures came to express themselves.