Méfions-nous du beau
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Les notions de beau et de laid se heurtent à un obstacle épistémologique : elles laissent croire qu’on a affaire à des « choses » dont on jauge les qualités. Or la dimension esthétique est une propriété relationnelle et non pas une propriété d’objet et la relation esthétique est intentionnelle et spécifique dans le sens où l’on peut la distinguer d’autres activités représentationnelles. En effet, il n’existe pas d’objets esthétiques mais uniquement une conduite esthétique qui investit des objets quelconques. Il n’y a pas non plus de scission entre une « connaissance sensible », apanage d’instinctifs illuminés et une « connaissance cognitive » qui serait le lot des intellectuels besogneux. En résumant on retiendra que l’œuvre propose et l’observateur dispose : il comprend, il apprécie en fonction de sa culture, de ses compétences et de sa créativité herméneutique. Parce que la compréhension d’une œuvre d’art, disait Bertolt Brecht, est aussi une forme de travail. Tandis que pour ceux qui entrent en art comme d’autres en religion, le beau ne se discute pas, le beau a toujours raison ; pour le public, qu’il advienne ce que le beau, ce que l’art commande. Jean Dubuffet écrivait en mai 1968 (tiens donc !) dans le pamphlet Asphyxiante culture : « Beau vient en droite ligne du chant des anges, du buisson ardent dont le professeur Chastel, en robe étoilée, révèle à la Sorbonne, entouré de ses servants, le dogme inaltérable (avec la férule). » Le beau contre la science ?
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