Histoire, migration et déracinement : le legs de Marie Langer
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L’auteur prendra les concepts freudiens de situation traumatique et délaissement pour étudier les traces laissées par les effets de la migration forcée dans l’histoire de la psychanalyse européenne dans la deuxième moitié du xxe siècle. Ce travail montrera les conséquences de l’exil dans la biographie du Dr Marie Langer, analysant du Docteur Sterba, arrivée à Buenos Aires en 1937, et la façon dont cette situation traumatique a réussi à devenir une adaptation enrichissante et un legs important pour les psychanalystes argentins et mexicains. Dans le contexte de ce choc culturel vécu par l’immigré, tout son effort est au service d’une adaptation pour laquelle il ne peut pas être préparé internement. Il est soumis à des accommodements et adaptations qui le mènent à incorporer de nouvelles valeurs et habitudes, une autre langue, au détriment de ce qui lui est propre. Il s’affronte à un conflit de fidélité; s’il adapte complètement, il trahira ses racines, autrement, il sera marginalisé. À tout cela, il faut ajouter, dans la migration causée par l’exil, un sentiment très fort d’exclusion. Ceux qui sont obligés de quitter leur pays pour des raisons politiques ou religieuses, ont, en plus de la perte de leur monde familial, le sentiment troublant de se sentir coupables d’être survivants. La perte couvre tout de la sensation nostalgique qu’il sera impossible de s’adapter aux conditions du nouveau pays. Mais en même temps, les immigrés sont reconnaissants d’être sains et saufs alors que d’autres n’ont pas eu la même chance. Si nous acceptons que chaque sujet est une caisse de résonance des attachements traumatiques qui se produisent entre le pays d’origine et le pays d’adoption, nous ne pouvons pas ignorer les traces que les mouvements migratoires forcés laissent dans leur histoire. Une expérience migratoire peut avoir des connotations positives, comme une référence passée de héros et pionniers, ou négatives, comme un événement présent, sans connotations historiques, sans liens de cause et condamnée à la répétition. Le Docteur Marie Langer a pu redonner un sens à cette expérience quand elle a dû faire face à un deuxième exil de Buenos Aires à Mexico en 1974, encore pour des raisons politiques. La transmission de l’histoire des psychanalystes pionniers dans nos pays est une forme de remémoration, de retrouver le passé, de voir tous les anneaux de la chaîne générationnelle; le fait de savoir d’où nous venons en nous appropriant nos racines nous permet de construire le désir pour l’avenir de la psychanalyse. Bref, l’auteur trouve que pour comprendre les liens avec les générations pionnières de la psychanalyse qui ont subi l’exil, il est utile de considérer les différences entre le présent et le passé, entre le pays qui expulse et celui qui accueille.
History, Migration and Uprooting – The Legacy of Marie Langer. The author of this article uses Freudian notions of the traumatic situation and abandonment to study the effects of forced migration on the development of European psychoanalysis in the second half of the twentieth century. The article will throw light on the effects of exile as reflected in the biography of an analysand of Dr Sterba, Dr Marie Langer, who came to Buenos Aires in 1937, and we will see how this initially traumatic situation became for her an enriching experience and left an important legacy for Argentinean and Mexican psychoanalysts. In the context of the cultural shock experienced by the immigrant, all the latter’s efforts are spent on adapting to a change that he/she is not mentally prepared for. The immigrant is subjected to changes and compromises that force him/her to take on board new values and customs, a new language, in ways that may often run contrary to what he/she is used to. The immigrant finds him or herself in a position of divided loyalty; adapting totally to the new environment means betraying one’s own roots, but not adapting means becoming ostracised. To this must be added, especially in cases of exile, a strong feeling of exclusion. Those who are forced to flee their country for political or religious reasons suffer not only from the loss of their family environment but also from the strange feeling of guilt at having survived. This sense of loss includes the feeling of nostalgia that makes it seem impossible to adapt to the new living conditions of another country. At the same time, immigrants of this kind are always grateful still to be alive, while others were not always quite so lucky. If we hold that each individual functions like a resonance chamber for the traumatising correspondences that are established between the home country and the land of adoption, it seems impossible to overlook the traces that forced migration leaves on the personal history of the migrant. Migrating can have positive effects, like references to past heroes and pioneers, or negative effects, seen as a purely present experience devoid of historical connotations, with no causal explanation and seemingly fated to be ever-repeating. Doctor Marie Langer was able to endow her experience with meaning when she was faced with exile for the second time, forced to flee from Buenos Aires to Mexico in 1974, again for political reasons. The transmission of the history of these pioneering psychoanalysts in our countries becomes a kind of commemorative act, a way of rediscovering the past and revisiting all the different links in the trans-generational chain; knowing where we come from by appropriating roots for ourselves allows us to build up our desire to see a future for psychoanalysis. In short, the author of this article believes that if we are to understand the links we have with the pioneering generations of psychoanalysis that were forced into exile, then we must also consider the differences between past and present, between the country that forced them into exile and that which offered them a new home.
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