Remarques critiques concernant la question « Analyse cladistique ou classification cladistique ? »
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(traduit de l’anglais par Pascal Tassy) : Mayr rejette la systématique phylogénétique (« cladistique ») en faveur de ce qu’il appelle « la systématique évolutionniste ». Il prétend que « le postulat de base de la théorie cladistique, une congruence absolue entre le cladogramme et la classification, ne peut être satisfait qu’en faisant de nombreuses hypothèses et redéfinitions et en ignorant de nombreux faits de l’évolution et de la phylogénie (au sens large). » C’est une erreur. En réalité, des définitions claires et non ambiguës de termes tels que « monophylie » et « relation de parenté » sont d’une importance fondamentale pour l’analyse cladistique et doivent précéder la construction d’un cladogramme. La revendication de Mayr selon laquelle « il n’y a guère d’opposition entre taxinomistes cladistes et évolutionnistes à propos des cladogrammes qui résultent de l’analyse cladistique » est donc discutable. Contrairement à l’affirmation de Mayr, les résultats de l’analyse cladistique peuvent être représentés aussi bien sous la forme d’un cladogramme que sous celle d’une « classification » hiérarchique. Les deux types de présentation sont exactement équivalents et convertibles sans hypothèses supplémentaires ou redéfinitions de termes. Selon Mayr, les « groupes monophylétiques » doivent remplir deux conditions : 1) les espèces qui les composent, en fonction de leurs caractéristiques, doivent être les plus proches parentes les unes des autres, et 2) elles sont toutes supposées être descendues d’un même ancêtre commun. Cette « définition » du terme « groupe monophylétique » est inutile parce que 1) toute paire d’espèces animales (ou plus) est « descendue d’un même ancêtre commun » à un moment quelconque du passé, et 2) la question de ce que signifie l’expression « les plus proches parents » reste ouverte. Mayr insiste sur la supériorité de la « classification évolutionniste » en tant que « système efficace de stockage et récupération de l’information » car elle est fondée sur deux ensembles de facteurs : alors que dans le système phylogénétique (cladistique) les organismes sont classifiés et catégorisés sur la base 1) du « branchement phylogénétique », la systématique évolutionniste intègre aussi 2) « la quantité et la nature du changement évolutif entre les points de branchement ». On montre que les classifications évolutionnistes sont 1) loin de présenter clairement et sans ambiguïté l’information concernant la séquence chronologique du branchement phylogénétique et 2) personne n’a proposé jusqu’à présent de méthodes pour mesurer la « nature et la quantité de changement » ou pour décider de façon « objective si une branche est entrée ou non dans une nouvelle zone adaptative et dans quelle mesure elle a expérimenté une radiation majeure ». Même relativement à ce deuxième ensemble de facteurs, la classification évolutionniste ne peut pas être considérée comme un stockage et une source d’information objectifs. Sachant le fait que les limites de tout groupement (même artificiel) d’espèces doivent nécessairement coïncider avec des points de branchement de l’arbre phylogénétique, la classification de Mayr dite évolutionniste n’est rien qu’une variante des classifications typologiques artistotéliciennes. Sur la base des arguments de Mayr, la primauté du système phylogénétique en tant que système de référence général en biologie ne peut en aucune manière être infirmée.
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