Louchard Chardon, Christine

Processus démentiels et enjeux du négatif en gériatrie - 2019.


16

Les mutations institutionnelles et les pratiques managériales n’épargnent pas les lieux de vie que ce sont les Etablissements d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes (EHPAD). Cette contribution vise à éclairer ce qui est « à gérer » et à adapter dans ces établissements. Elle interroge la présence et les effets des processus démentiels sur les soignants, sur leur travail au quotidien et sur les ratés de ce travail. Les paradoxes et les mises en abîme sont nombreux en un lieu où les investissements professionnels sont confrontés à la désorganisation psychique, à la dégradation et à la mort. Les contre-investissements sont massifs : il n’y a pas de temps mort pour les soignants comme pour l’institution. Chacun a le sentiment de s’épuiser à la tâche, cherche à gagner du temps alors que le temps qui passe est d’évidence un temps qui conduit les résidents à la mort. Le faire et l’agir remplacent dès lors la pensée. La réalisation des tâches, l’organisation et les plannings prennent le devant de la scène. Les dimensions symboliques des cadres et des dispositifs, la finalité de ce qui est mis en œuvre, le sens du travail, se perdent. Au délitement de l’appareil à penser du sujet âgé dément répond celui de l’appareil à penser des professionnels et de l’institution. La reprise de la professionnalité passe par les étayages du groupe, des dispositifs et des cadres qui viennent faire barrage à l’arbitraire et au retour de la toute-puissance infantile. Les auteurs soulignent au final l’importance de la structuration du travail d’équipe, des réunions cadres, de la construction de représentations communes et de la lecture des mouvements institutionnels. C’est à cet endroit que le management et la clinique doivent trouver à se lier. Cela implique de nouvelles façons de penser et de travailler. Demential processes and importance of negative in geriatricsInstitutional change and managerial practices do not spare the places of life that are Institutions of Accommodation for Elderly Dependent (EHPAD). This contribution aims to clarify what is «to be managed» and to adapt in these institutions. It questions the presence and effects of the insane processes on the caregivers, their daily work and the failures of this work. There are many paradoxes and abysses in a place where professional investments are confronted with psychological disorganization, degradation and death. The counter-investments are massive: there is no time-out for the caregivers as for the institution. Everyone has the feeling of being exhausted by the task, trying to gain time while the passing time is obviously a time that leads the residents to death. The act of doing and acting therefore replace thought. The realization of the tasks, the organization and the schedules take center stage. The symbolic dimensions of frameworks and devices, the purpose of what is implemented, the meaning of work, are lost. To the disintegration of the thinking apparatus of the demented elder responds that of the apparatus of thinking of the professionals and the institution. The resumption of professionalism requires the support of the group, the devices and the frameworks that block the arbitrariness and the return of infantile omnipotence. The authors emphasize the importance of structuring teamwork, framework meetings, building common representations and reading institutional movements. This is where the management and the clinic have to find a way to bond. This implies new ways of thinking and working.