Roux, Brigitte
L’invention de Léocade : reliques et figures d’auteur dans les Miracles de Nostre Dame de Gautier de Coinci
- 2020.
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Sainte Léocade domine la composition et l’architecture des Miracles de Nostre Dame de Gautier de Coinci. Elle fournit notamment le sujet des deux imposants miracles qui encadrent le premier livre – D’un archevesque qui fu a Tholete (I Mir 11) et Comment sainte Leochade fu perdue (I Mir 44) – et qui, complétés de trois chansons, forment le « cycle de Léocade », recueil à l’intérieur du recueil, dont la constitution a donné au poète l’allant nécessaire à l’écriture du second livre des Miracles. Or le rôle déterminant de Léocade dans le recueil ne rend que plus frappant le flou délibéré qui règne sur la nature de ses reliques : s’agit-il d’un fragment d’étoffe, d’ossements ou d’ autre chose ? Face au silence du texte, les images apportent des réponses aussi variées que signifiantes. Leur étude nourrit ainsi l’interprétation littéraire autant qu’elle découvre ce qu’il en est de la réception, ou des réceptions, de l’œuvre de Gautier. Que choisit-on de montrer ? La question est cruciale, s’agissant de représenter des reliques par essence invisibles, destinées à être enfouies dans une châsse ou un trésor. Cet article à deux mains, par une historienne de l’art et une spécialiste de la littérature, se propose d’examiner la question centrale des reliques de sainte Léocade dans les Miracles de Nostre Dame, à travers le double prisme du texte et des images préservées dans différents manuscrits. Cette double approche, littérature et histoire de l’art, trouve dans le recueil lui-même sa meilleure motivation : dans l’ Épilogue, Gautier désigne la confection des Miracles comme le fruit d’une étroite collaboration avec Robert de Dive qui les fait enluminer. Saint Leocade plays a very important role in the composition and architecture of Gautier de Coinci’s Miracles de Nostre Dame. Interestingly, she is at the center of two long miracles that frame the first book of Miracles – D’un archevesque qui fu a Tholete (I Mir 11) and Comment sainte Leochade fu perdue (I Mir 44) – and that form, together with three chansons, the “Leocade’s cycle”, the make up of which gives the poet the impulse to write the second book of Miracles. But Leocade’s importance also makes the uncertainly surrounding her relics all the more surprising: are these a snippet of cloth, some bones or anything else? While the text remains silent, the images provide various answers. Thus, their study guides the literary interpretation and gives information about Gautier’s medieval reception(s). What did the artists choose to show? The question is crucial, since they aimed at representing relics supposed to be kept hidden in a coffin or a treasure. This article, by an art historian and a specialist of literature, will examin Saint Leocade’s relics in the Miracles de Nostre Dame through both text and images from various preserved manuscripts. In fact, this double approach, literature and history of art, is encouraged by the book itself, given that Gautier, in the Epilogue, says that the Miracles’ setting-up results from a narrow collaboration between him and Robert de Dive, who has had the texts illuminated.