Nicolle, Boris
Injustices, psychiatrie et santé mentale : Pour une santé mentale publique basée sur la justice sociale
- 2025.
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Dans cet article, nous étudions les liens entre santé mentale publique et justice sociale. En France, la santé mentale est un sujet de débat et de critiques. Après l’avoir définie, nous décrivons le concept de « santé mentale publique » porté par l’Organisation Mondiale de la Santé comme cadre d’analyse pertinent de la santé mentale des populations et permettant de clarifier les rôles de chaque acteur. Il met en lumière les déterminants sociaux à l’œuvre, qui sont autant de cibles pour la prévention et promotion de la santé mentale et la facilitation des parcours de rétablissement des personnes souffrant d’un trouble psychique. Ces déterminants ne sont pas spécifiques à la santé mentale et reflètent des inégalités sociales sous-jacentes, comme l’illustre l’existence de gradients de santé. Une intervention sur un ou plusieurs déterminants de santé mentale est donc susceptible d’agir au-delà du champ sanitaire. A l’inverse, des politiques réduisant les inégalités sociales peuvent améliorer la santé mentale des populations. Dans une seconde partie, nous présentons différentes théories de la justice sociale appliquées aux déterminants de la santé, associant approches distributives et théories de la reconnaissance pour décrire l’ensemble des injustices sociales en santé. Nous proposons l’intégration de la justice épistémique dans l’analyse des déterminants sociaux de santé mentale. Parce que la santé mentale publique implique une réduction des inégalités sociale, sa capacité à intégrer des critères de justice sociale dans ses actions peut en améliorer l’efficacité. Dans cette optique, nous reprenons 5 principes de base pour une théorie de la justice sociale en santé mentale des personnes migrantes proposées par Edouard Leaune et proposons de les élargir à l’ensemble de la population. En conclusion, une santé mentale publique basée sur la justice sociale offre une trame pertinente pour concevoir des politiques publiques favorables à la santé mentale, y compris lorsque ces politiques ne ciblent pas spécifiquement la santé mentale. La poursuite des travaux sur la caractérisation des déterminants sociaux de santé mentale d’une part, et pour l’établissement d’une théorie de la justice sociale en santé mentale d’autre part semble nécessaire.