Gélis, Jacques
Les médecins et les maladies sanguines héréditaires à la fin du XVIIIe siècle
- 2019.
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En 1788 et 1790, dans un contexte populationniste, la Société royale de médecine met au concours la question des maladies héréditaires en demandant aux auteurs de mémoires de les caractériser et de proposer des solutions pour les éradiquer. Le sang est souvent évoqué dans les textes, en particulier à propos de la relation mère-fœtus, puisque c’est par le sang de la mère que le fœtus peut être contaminé. L’idée d’un virus dormant dans le sang est fréquente, principalement le « virus vérolique » qui est d’autant plus redoutable qu’on pense qu’il peut rester longtemps caché au sein d’une même famille, sauter plusieurs générations et réapparaître. Pour remédier aux maladies sanguines héréditaires, les médecins préconisent de surveiller les alliances, en privilégiant des dispositions de corps opposées mais complémentaires, en évitant la diffusion du mauvais sang par des mesures eugénistes de sélection et par le recours à des alliances croisées entre ressortissants de régions, voire de pays opposés mais complémentaires. Le brassage des sangs permettrait alors de faire émerger « un enfant du juste milieu », entre « excès paternels » et « excès maternels ». Ces textes ont contribué à l’émergence de l’héréditarisme français et européen au xixe siècle. In 1788 and 1790, the Royal Society of Medicine organized a competition about the question of hereditary diseases. The authors of memoirs had to characterize them and propose solutions to eradicate them. Blood is often mentioned in these texts, especially when they focus on the relationship between the mother and the fetus, since blood conveys the possibility of the fetus being contaminated by its mother’s blood. The idea of a blood-sleeping virus is common, especially the “virus vérolique” (syphilis), which is the most frightening because it is thought that it can remain hidden within the same family for a long time, jump several generations and resurface. To remedy hereditary blood diseases, doctors recommend the monitoring of alliances, favouring opposed but complementary body dispositions, avoiding the spread of bad blood through eugenicist selection measures and the use of crossed alliances between nationals of opposed but complementary countries. The mixing of blood would make it possible to bring out “a child of the right middle ground”, between paternal and maternal “excesses”. These texts contributed to the emergence of French and European hereditarianism in the 19th century.