Jean, Marie
La science et l'angoisse : les deux voies de l'accès au réel
- 2014.
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La découverte freudienne et les avancées lacaniennes tracent, encore et toujours, la voie d’une pratique clinique, pièce maîtresse d’une réflexion à produire, et c’est bien là tout l’enjeu : maintenir intacte cette clé de voûte. La logique actuelle voudrait que l’on tende vers une uniformisation des pratiques et une généralisation des diagnostics, livrant par là même au sens commun les concepts pensés et théorisés au fil des pratiques cliniques. L’exigence des expertises étatiques et institutionnelles porte non seulement sur la prise en charge médicale mais aussi sur l’évaluation des risques sociétaux induits, et des coûts qui peuvent en résulter. L’obsession du risque zéro passe par une surenchère d’évaluation, d’anticipation, de contrôle et de maîtrise des coûts. Elle oblige à anticiper les risques mais aussi les menaces. « Le sujet en question » n’est pas réductible à un discours sur (sûr ?) le sujet ; il faut tenir compte de la part qui échappe, celle du réel. Irréductible, ce point d’achoppement se soutient du choix de son traitement. Ne faut-il pas alors laisser de côté l’illusion d’un sujet unifié, produit d’un fantasme d’emprise, et laisser toute sa portée de résonance à l’équivoque de la question que pose le sujet divisé ? Science and anguish: the two paths of access to the realThe freudian discovery and the lacanian advanced theories trace, again and again, the path of a clinical practice, a major component of a reflection to be produced, and it is indeed here that all is at stake : to maintain intact this keystone. Current logic would have us aim towards a standardization of practices and a generalization of diagnoses, thus revealing to common sense the concepts thought and theorized during clinical practices. The requirement of state and institutional examinations concerns not only medical care but also the assessment of inferred societal risks, and the resulting costs. The obsession with zero risk leads to an escalation of assessment, anticipation, control and cost management. It insists on anticipating not only risks but also threats. « The subject in question » cannot be reduced to a speech about the subject ; the part which escapes, that of the real, must be taken into account. Irreductible, this stumbling block is sustained by the choice of its treatment. Shouldn’t the illusion of a unified subject, the product of a fantasy of hold, be left aside and rather give free rein to the ambiguity that the question of a divided subject raises ?