Blondiaux, Isabelle

Le don, principe actif de la parole thérapeutique ? - 2011.


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RésuméL’interrogation du principe actif de la parole thérapeutique impose de revenir aux approches antiques du discours comme puissance vivante et ambivalente. Le discours, logos-zôon-pharmakon, vivant sauvage que Gorgias se propose de réduire à la raison, témoigne chez le sophiste de la structure divisée du langage, tandis qu’il devient pour Socrate un organisme engendré et, à ce titre, inscrit dans une filiation qui permet de remonter du logos vers son père, le noûs, vers ce qui ne pouvant se dire n’en est pas moins à l’origine de ce qui peut être dit. Si le logos-zôon-pharmakon du sophiste est aussi cet outil à manipuler en belle manière, qu’on trouve au fondement des thérapies basées sur la suggestion et la persuasion, celui de Socrate s’apparente à un philtre, une parole-molécule que son inscription dans une filiation impose de repenser à la lumière du don, cette autre puissance vivante et ambivalente, manifeste dans le lien à l’autre. Dès lors, il devient possible d’analyser le principe actif de la parole à partir de ses rapports avec les dimensions du don ontique, le « transporté », dans la parole-don/ pharmakon et du don non ontique, le « transporteur », dans le transfert, d’autant que par la référence au daïmon et à la mania érotique, le discours socratique se voit ajouter la connotation de parole qui transporte, arrache à soi-même. Modalité d’accès à la connaissance, le transfert apparaît ainsi comme cette modalité non ontique du don qui rend possible l’actualisation de la dimension de don ontique du discours, plus précisément, de la portée prophétique et dialectique de toute parole-don/ pharmakon, dont le conte de Perrault, La Belle au bois dormant, nous offre un cas-type.