Hoquet, Thierry

La sociobiologie est-elle amendable ? - 2010.


83

RésuméPeut-on être sociobiologiste et féministe ? La sociobiologie a été accusée d’être un arsenal idéologique machiste, ce qui semble exclure par avance toute possibilité de l’amender. Tel fut pourtant le projet de plusieurs chercheuses (notamment S.B. Hrdy et P.A. Gowaty) qui proposèrent d’adopter le cadre théorique de cette science, pour le modifier de l’intérieur. Cela s’est traduit par un changement de focale : un appel à prendre en compte les stratégies des femelles et leur évolution, ainsi que la « guerre des sexes » à l’œuvre dans le processus de reproduction. Cet élargissement du cadre théorique de la sociobiologie ne s’est pas fait au nom du privilège d’une « perspective féminine », mais il s’est sans aucun doute nourri de la position marginale de ces chercheuses dans leur champ disciplinaire, ainsi que de leur engagement politique. Des contributions « masculines » comme les travaux de W. G. Eberhard sur le « choix cryptique de la femelle » s’inscrivent également dans ce mouvement, sans pourtant s’en revendiquer. De même, un travail critique a été mené sur le lexique de la sociobiologie : non pas en vue d’exercer une tyrannie « politiquement correcte » et idéologique, mais afin d’améliorer l’efficacité des outils conceptuels mis en place par cette science. Aujourd’hui, certaines féministes pensent que le féminisme doit intégrer les résultats de la sociobiologie, mais les résistances restent encore fortes. Si de nombreuses féministes pensent que le féminisme a plus à apporter à la biologie que l’inverse, maints biologistes considèrent, pour leur part, que le féminisme n’est qu’une idéologie qui doit rester à l’écart du travail scientifique.