Hutchinson, Ben
« Ici commence l'indicible » Hans Blumenbergs Überlegungen zur Unmöglichkeit des Beginnens beim späten Rilke
- 2008.
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Cet essai présente une étude de l’idée de « commencement » telle qu’on la trouve dans la poésie de Rilke. Il se fonde sur la lecture d’une série de textes fragmentaires et d’articles de Hans Blumenberg (qui se trouvent dans le fonds Blumenberg, aux archives nationales de la littérature allemande de Marbach-sur-le-Neckar), et commence par l’analyse d’un champ lexical centré sur les termes « Quellen », « Höhlen », et « Anfänge ». Puisqu’il est par défi nition impossible d’exprimer le commencement du temps (il nous faudrait en effet l’exprimer dans le temps même), devrions-nous voir ces termes comme simples métaphores d’une genèse plutôt que comme son expression ? Les limites de la langue de Blumenberg sont-elles les limites de son univers ? L’idée de l’indicible vue par Blumenberg peut être perçue comme faisant partie d’une esthétique de la négation, ce qui est confi rmé en particulier par un bref article dans lequel on trouve l’analyse d’un carnet de Rilke, presque vide : « Ici commence l’indicible », annonce la première et unique ligne. Ce paradoxe – commencer à dire l’indicible – est à replacer dans le contexte du concept de « métaphore absolue » développé par Blumenberg : la poésie de Rilke pour « dire l’indicible » – pour exprimer les moments de commencement – apporte peut-être une réponse au problème de l’impossibilité d’un véritable commencement posé par Blumenberg. Cet essai se termine par quelques réfl exions sur l’ambivalence de ces moments quasi mystiques de commencement : un carnet vide peut contenir tous ses possibles in nuce, mais il peut tout aussi bien n’être qu’un carnet vide. This essay investigates the concept of « beginnings » in Rilke’s poetry, through a reading of a number of fragmentary texts and articles by Hans Blumenberg (held in Blumenberg’s literary estate in the Deutsches Literaturarchiv in Marbach am Neckar). It starts by considering examples of Blumenberg’s use of associated terms such as « Quellen », « Höhlen », and « Anfänge » : since it is strictly speaking impossible to express the beginning of time (for we could only express it within time), should such terms be seen merely as metaphors of a moment of genesis, rather than as its expression ? Are the limits of his language the limits of his world ? Blumenberg’s view on the « unsayable » can be seen as part of a broader aesthetics of negation ; this is illustrated in particular by the analysis of a brief article of his on an – almost – empty notebook of Rilke’s, which contains only the words « Ici commence l’indicible » at the very start. This paradox – of starting to say the unsayable – is placed within the context of Blumenberg’s concept of « absolute metaphors » : how do Rilke’s metaphorical and syntactical techniques for « saying the unsayable » – for expressing moments of beginning – correspond to Blumenberg’s insistence on the impossibility of expressing true beginning ? The essay concludes with a brief consideration of the ambivalence of these quasimystical moments of beginning : an empty notebook may contain all its subsequent possibilities in nuce, but it can also just be an empty notebook.