Reguig, Delphine
« Le fils d'Ulysse ne pouvait goûter que ce qui était vrai » : Fénelon entre Homère et Augustin
- 2012.
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L’un des processus les plus audacieux de christianisation de la fable antique dans le Télémaque de Fénelon est sans doute l’inversion de la caractérisation et donc de la valeur héroïque du personnage d’Ulysse. Le récurrent menteur d’Homère devient le héros de l’intégrité et de la tempérance verbale léguées en héritage inaliénable à Télémaque. L’examen de la conversion d’Ulysse à la vertu de véracité permet alors de retrouver une filiation entre le modèle homérique et l’invention fénelonienne : il apparaît que le roman de Télémaque renouvelle les questionnements que la geste ulysséenne poursuit à l’égard de l’identité du sujet dans son rapport à la divinité. Poser la question du rapport de l’homme à la vérité, c’est en effet poser la question de sa part à l’Être. En modifiant le régime théologique dans lequel évoluaient les personnages d’Homère, Fénelon a bien mis dans leur bouche la parole pleine et fidèle à laquelle Augustin identifie l’Être. “Le fils d’Ulysse ne pouvait goûter que ce qui était vrai” - “Ulysses’ son could only appreciate what was authentic” : Fénelon, Between Homer and AugustineOne of the boldest of the ways in which Fénelon Christianises mythology in Télémaque - The Adventures of Telemachus - is probably the reversal of Ulysses’ character traits and therefore of the nature of his heroism. Homer’s serial liar becomes the hero of integrity and verbal moderation, qualities he bequests to Telemachus in an inalienable heritage. Studying Ulysses’ conversion to the virtues of truth-telling brings us to find another relationship between the Homeric model and Fénelon’s inventivity : Telemachus’ romance renews with the exploration Ulysses’ epic made of the identity of the subject in relation to divinity. Isn’t exploring the question of the relationship of man to truth the equivalent of exploring his place in Being ? By modifying the theological background of Homer’s characters, Fenelon has indeed placed in their mouths that full and faithful speech which Augustine identifies with Being.