Dalle-Nazébi, Sophie

Quand le bilinguisme entre dans la famille avec la naissance d'un enfant Langue des signes et français au quotidien - 2014.


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La langue des signes pratiquée en France (LSF) par des personnes sourdes implique des processus originaux de transmission. Dans l’écrasante majorité des cas, leurs parents ne sont pas eux-mêmes sourds et ne connaissent rien des langues visuelles. La « mixité » des familles est la norme des personnes sourdes. Faire le choix d’éduquer des enfants sourds dans une langue qu’on ne maîtrise pas encore suppose d’articuler l’espace familial à des réseaux de communication en LSF, mais aussi de mettre en place une gestion quotidienne et située du bilinguisme. Cette analyse repose sur une enquête ethnographique et une série d’entretiens menée en 1996, et renouvelée 15 ans plus tard, auprès de 20 familles. Étendu à la fratrie, ce terrain porte sur leur parcours d’initiation à la LSF ainsi que sur la répartition des rôles et la gestion du bilinguisme par ces familles. Partageant des moments de repas et des temps informels, puis observant des activités péri-scolaires, nous pouvons rendre compte des variations des pratiques linguistiques selon les contextes et d’enjeux plus identitaires concernant aussi bien les enfants sourds que leur fratrie entendante. When bilingualism enters the family with the birth of a child. Sign language and French in daily life The sign language used by the Deaf in France ( Langue des Signes Française, LSF) implies original processes of transmission. In the vast majority of cases, the parents are not deaf themselves and know nothing about visual languages. Family “mixedness” is the norm for deaf people. Choosing to raise deaf child in a language one doesn’t yet master oneself presupposes linking up the family with LSF networks but also managing bilingual situations on a dayly basis. Our analysis rests on an ethnographic survey and a series of interviews carried out with 20 families in 1996, and followed up 15 years later. Extended to siblings, the field covers their initiation to LSF as well as the distribution of roles in the family and their handling of bilingualism. By sharing meals and informal moments with them, but also by observing extra-curricular activities, we can account for how language use varies according to context and what is at stake from the point of view of the identities of the deaf children as well as of their hearing brothers and sisters.