Tordjman, Sylvie

Les instruments d'évaluation de l'autisme : intérêts et limites - 2002.


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les instruments d’évaluation de l’autisme : intérêts et limites À partir d’une double expérience des échelles d’évaluation des troubles autistiques (séjour d’un an et demi aux États-Unis au Yale Child Study Center, mais aussi recherches inserm longitudinales sur l’autisme), une réflexion sera développée sur ces instruments d’évaluation (réflexion qui s’appuiera plus particulièrement sur des exemples issus des échelles ados/pl-ados et adi-r), en soulignant leurs intérêts, leurs limites et les enjeux éthiques. Les instruments d’évaluation de l’autisme peuvent en effet présenter les intérêts suivants : 1 / être adaptés à la pathologie autistique ; 2 / introduire un tiers, une médiation, une triangulation, et ce aussi bien par rapport à l’enfant autiste, à sa famille ou à l’équipe soignante ; 3 / instaurer un cadre précis avec des repères tangibles, en créant une situation standardisée apportant une rigueur méthodologique dans l’observation et l’évaluation des troubles autistiques ; 4 / permettre de suivre l’évolution d’un patient autiste ; 5 / enfin, et peut-être même surtout, stimuler la discussion et les échanges fructueux, tant au sein de l’équipe soignante qu’avec les parents des enfants autistes. Mais, ces mêmes instruments d’évaluation présentent certaines limites : 1 / l’apparente objectivité des cotations vient masquer la subjectivité de l’évaluateur qui apparaît aussi bien lors de la passation que de la cotation ; 2 / l’utilisation régulière des échelles d’évaluation favorise la tendance à “ adhérer au score ”, c’est-à-dire à coter juste l’observation d’un comportement sans analyser ce qu’il peut exprimer et signifier, en faisant l’économie d’une réflexion psychodynamique. Cette utilisation des échelles d’évaluation risque d’entraîner deux types de dérapage : d’une part, réduire l’autisme à une addition de scores ne tenant pas compte des mécanismes psychodynamiques ; d’autre part, cautionner des thérapies comportementales visant à supprimer le comportement autistique, sans tenter de comprendre les fonctions de ce comportement. Enfin, il ne faut pas négliger certains aspects éthiques : l’évaluation des troubles autistiques constitue, avant tout, une rencontre humaine. Cette dimension humaine est à prendre en considération lors de la passation, afin de ne pas se transformer en un super technicien cotateur, et de rester clinicien. Il est important, par exemple, de ne pas laisser partir les parents d’un enfant autiste après une évaluation, sans avoir pris le temps de reprendre certains moments de la passation pour eux inquiétants ou difficiles émotionnellement, en insistant sur les compétences de leur enfant. De même, la restitution de cette évaluation doit être une restitution humaine et non bureaucratique. Cette restitution des résultats, loin de se résumer à un rapport d’experts, peut constituer un réel travail d’échange, de discussion et d’accompagnement aussi bien avec les parents qu’avec les équipes soignantes. La rencontre humaine qui s’établit dans le cadre de l’évaluation implique en soi une certaine subjectivité de la passation et de la cotation. Mais, plutôt que de décrier la subjectivité, plutôt que de se revendiquer d’une vérité scientifique s’appuyant sur des évaluations objectives, il apparaît nécessaire de souligner l’intérêt de cette subjectivité. Ainsi peut-on observer chez un même enfant autiste, lors des évaluations, des fluctuations comportementales et relationnelles ainsi que des fluctuations dans le rythme de la passation (ralentissement, accélération) en fonction de l’environnement, des personnes présentes ou de l’état de l’enfant. Ces fluctuations sont essentielles à l’établissement du projet thérapeutique car elles nous renvoient aux capacités d’émergence de l’enfant autiste, à son humanité et non à son immuabilité. Instruments for evaluating autism : interests and limits Based on the use of scales to evaluate autistic disorder (at the Yale Child Study Center, usa, and in an inserm longitudinal study on autism), reflections on the interests, limits, and ethics of using evaluative instruments are developed (examples based on the ados/pl-ados and adi-r scales are mentioned). Instruments to evaluate autism can present the following interests, they : 1 / are appropriate to autistic disorder ; 2 / introduce a third party, a mediation, a triangulation concerning the child with autism, the family or the caregiver ; 3 / create a precise context, a standardized situation that brings methodological rigor to the observation and evaluation of autistic disorder ; 4 / allow the evolution of patients with autism to be followed ; 5 / stimulate discussion and fruitful exchanges within the care-giving team and with parents of children with autism. However, these same evaluative instruments have some limits : 1 / the apparent objectivity of the scores hides the subjectivity of the evaluator, which plays a role in the administration and scoring ; 2 / the regular use of scales favours a tendency to “ stick to the score ”, scoring behaviour without analysing what it may express or mean, thus reducing psychodynamic reflection. The use of scales can lead to two kinds of problems. First, it can favour behavioural therapies that seek to eliminate autistic behaviours without trying to understand them. Second, it can reduce autism to a sum of scores without consideration of psychodynamic mechanisms. Finally, certain ethical issues should not be neglected ; the evaluation of autistic problems involves human interaction. This human dimension needs to be maintained during test administration. The clinician should not be transformed into a technician. It is important, for example, to discuss certain difficult or worrisome parts of the evaluation with the parents, insisting on the child’s competencies, before leaving the parents. The results of an evaluation need to be communicated in a humane way rather than bureaucratically. The results can serve as a point of discussion for parents and care-giving teams. The human component of evaluation leads inherently to a certain degree of subjectivity in the administration and scoring. However, instead of denouncing this subjectivity as problematic, it seems worthwhile to underline it’s interest. Thus we can observe for children with autism fluctuations, behavioural and relation-centred, as well as differences in the rhythm of the test administration (slow, accelerated) as a function of the environment, the people present, and the state of the child. These fluctuations are essential for establishing a therapeutic project because they are related to the child’s emerging capacities, to his or her humanity and not to his or her immuability. Los instrumentos de evaluación del autismo : intereses y limites A partir de una doble experiencia de escalas de evaluación de los trastornos autísticos (estancia de un año y medio en Estados Unidos en el Yale Child Study Center y también investigaciones inserm longitudinales sobre el autismo) se desarrolla una reflexión sobre los instrumentos de evaluación (apoyá ndose particularmente en ejemplos de las escalas ados/pl-ados y adi-r destacando su interes, sus límites y sus retos éticos. Los instrumentos de valauación del autismo tienen el interés siguients : 1 / adaptarse a la patología autística ; 2 / introducir a un tercero, un a mediación, una triangulación, tanto en relación con el niño autista, con su familia o con el equipo cuidador ; 3 / instaurar un encuadre preciso con puntos de referencia tangibles, creando una situación está ndar con rigor metodológico de la observación de los trastornos autísticos ; 4 / seguir la evolución de un niño autista ; 5 / por fin, y sobre todo, estimuloar una discusión y unos intercambios fructíferos tanto con el equipo cuidador como con los padres de niños adultos. Peros los mismos instrumentos de evaluación tienen los límites siguientes : 1 / la aparente objetividad de las cotaciones tapa la subjetividad del evaluador, tanto en la pasación como en la cotación ; 2 / la contínua utilización de las escalas de evaluación favorece la tendencia a “ quedarse adherido al score ”, es decir a codificar la observación de un comportamiento sin analizar lo que expresa o lo que significa, haciendo la economía de una reflexión psicodiná mica. Esta utilización de las escalas de evaluación corre el riesgo de desviarse en dos direcciones : por una parte dar el visto bueno a terapias de comportamiento que tienden a suprimir el comportamiento autístico sin intentar entender las funciones de ese comportamiento ; y por otra parte hacer que el austimo no sea sino la suma de scores sin tener en cuenta los mecanismos psicodiná micos. Para terminar, hay que señelar algunos aspectos éticos : la evaluación de trastomos autísticos constituye ante todo un encuentro humano. Es indispensable tener en cuenta esta dimensión humana durante la pasación para no transformarse en un super técnico cotador y seguir siendo un clínico. Por eso parece importante no dejar que los padre de un niño autista se vayan después de una evaluación sin tomarse el tiempo de retomar algunos aspectos de la evaluación que para ellos son inquietantes o difíciles emocionalmente, insistiendo en las competencias y los logros de su niño. Asimosmo, la devolución de la evaluación debe ser una devolución humana y no burocrá tica. Esta devolución de los resultados, má s que resumirse en un informe de expertos tiene que ser un trabajo de intercambio real, de discusión y de acompañamiento, tanto de los padres como de los equipos de cuidadores.