Haemers, Jelle
Pouvoir et argent
- 2009.
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RésuméDes études récentes sur le fonctionnement des États dits modernes ont démontré que le prélèvement fiscal représentait la ressource essentielle dans la genèse de l’État moderne dans l’Europe médiévale. L’augmentation des revenus fiscaux et des ressources financières des princes médiévaux s’est avérée cruciale pour expliquer la genèse des États. Toutefois, cette évolution fiscale n’a pas été linéaire, ni générale dans l’Europe médiévale. En outre, dans certains cas spécifiques, le recours par les monarques et seigneurs médiévaux à l’emprunt ou à l’augmentation des impôts a mené à la déstabilisation de la puissance des dynasties. Nous nous concentrerons dans cet article sur l’aspect déstabilisant, voire destructeur, de la politique financière des ducs de Bourgogne (1384-1506). Certes, la politique de crédit de cette dynastie, une des plus riches dans l’Europe du Moyen Âge tardif, a fait entrer beaucoup d’argent liquide dans les coffres de l’État ; elle a apporté des bénéfices politiques ponctuels et a permis d’engranger des avantages militaires sur le terrain. Mais dans le même temps, ce recours au crédit a aussi entraîné des dettes spectaculaires pour le Trésor ducal et a soumis les ducs à des obligations à la fois financières et administratives qui ont fortement hypothéqué leur autonomie politique. Recent studies on how so-called modern states are run have demonstrated that fiscal levies constituted the essential resource in the genesis of the modern state in Mediaeval Europe. The increase in tax revenues and in the Mediaeval princes’ financial resources proved crucial in the development of the States. Yet, this evolution was neither linear nor general in Mediaeval Europe. Moreover, in certain specific cases, a mediaeval Lord’s or Monarch’s decision to borrow money or to increase taxes jeopardized the stability of dynasties. We will concentrate in this article on the destabilizing, if not outright destructive, aspect of the dukes of Burgundy’s financial policy (1384-1506). It is doubtless that the credit policy of the dynasty, one of the richest in late Middle-Ages’ Europe, resulted in masses of cash flowing into the State’s coffers ; it brought punctual political benefits and permitted to gain military positions on the ground. But, at the same time, this resorting to credit also built up a large-scale debt for the Duke’s treasury, and submitted the dukes to both financial and administrative obligations that hindered considerably their political freedom.