Velinov, Daniel

Information et marché : l’activité cambiaire et les services postaux à Anvers et en Europe au milieu du XVIIe siècle - 2016.


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L’analyse des archives du banquier anversois La Bistrate permet de mettre en relation le rythme de l’activité cambiaire avec celui du régime postal. La double concordance entre le début des négociations boursières et l’arrivée du courrier, d’une part, et l’émission des lettres de change et le départ du courrier, de l’autre, conduit à interroger le lien entre fonctionnement du marché et information. Cette étude du fonctionnement du marché des changes conduit à appréhender l’information non comme une variable saisie par divers indicateurs (sa vitesse de circulation, son prix, son accessibilité) afin de déterminer le degré de développement des places, mais comme la condition indispensable de l’existence même du marché, puisque les cours s’établissent en fonction des cotations sur la place avec laquelle on change et que toute interruption des relations postales entraîne la cessation des activités cambiaires. Ce mode d’établissement des cours en implique une connaissance égale de tous les opérateurs d’une place, ce qui met en doute l’importance de comportements opportunistes et de la notion d’asymétrie d’information pour décrire les marchés de l’époque moderne. Dans le débat sur les éléments susceptibles de conférer des avantages stratégiques en matière économique, l’attention est ainsi déplacée de l’analyse de services (bourse, courtiers, postes) et de places formant réseau vers les acteurs eux-mêmes, leurs réseaux et l’usage qu’ils faisaient de l’information. The literature on early modern commercial cities associates their level of advancement with the degree to which they supply economic actors with crucial information. 17th-century Amsterdam illustrates the point. Its position at the center of the European information flows, the publication of printed price currents and the presence of sophisticated financial institutions such as the Amsterdam exchange and Wisselbank lowered the cost of information and democratized access to it. This, in turn, lowered the information impactedness of market transactions. Resulting is a “modern”, more advanced and efficient market than in the rest of Europe. This article challenges this common narrative. It does so specifically with respect to exchange markets. Based on the accounting books and the commercial correspondence of the Antwerp banker La Bistrate, it reconstructs how exchange markets functioned. Three findings stand out. Firstly, postal services set the rhythm for exchange activities. Dealings began on specific weekdays when the mail arrived and ended when it left. Because operators established the rates based on the quotations of the corresponding financial centers, every interruption of postal services resulted in a suspension of the exchange activity. Secondly, this price formation process was not characterized by information asymmetries or driven by opportunistic behavior. The quotations, which arrived by mail, were publicly accessible and thus common knowledge. Thirdly, strategic advantages were not so much associated to location (Amsterdam, London, Antwerp or else). They were instead largely determined by the quality and scale of the network individual traders managed to sustain. Traders estimated the opportunities and risks of their exchange dealings based on their correspondents’ assessment of the political and economic development in other centers. It is in the relation to these correspondents that information asymmetries and the associated risk of opportunism had to be dealt with.