Oiry, Béatrice
« Greffer la Parole biblique sur la durée d’une vie ». Petite théologie de la poésie des Psaumes
- 2024.
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Dans son essai Marcher dans la neige, le poète Jean-Pierre Lemaire utilise la métaphore de la greffe pour parler de l’usage que le poète croyant peut faire des Écritures bibliques dans le poème. Il insiste sur la double temporalité spécifique à ce recours : il s’agit de greffer la parole divine dont l’efficacité est immédiate au cours long et lent des existences humaines sans que celui-ci s’en trouve aboli ou méprisé. Cette perspective n’est pas sans évoquer les expériences de foi dont témoignent les psaumes. Une attention à la forme spécifique des vers de la poésie hébraïque permet de dégager la manière dont la dynamique propre au poème est au service de l’élaboration de l’expérience spirituelle. Les psaumes de supplication – et en particulier le Ps 22 – font entendre les modalités selon lesquelles la Parole se greffe à l’expérience du suppliant. Et il faut toute la longueur de l’épreuve pour que la greffe, sous la modalité souvent paradoxale d’une parole silencieuse, soit accueillie comme énonciation vitale. In his essay Marcher dans la neige, the poet Jean-Pierre Lemaire uses the horticultural image of grafting to characterize the believing poet’s use of the Bible in his work. Lemaire underscores the double temporality specific to this process, which consists of grafting a discourse of immediate effectiveness onto the long, slow course of human existence without either abolishing or despising it. This perspective is reminiscent of the faith experiences found in the Psalms. An attentive analysis of the specific verse form of Hebrew poetry reveals how the poem’s dynamics develop the spiritual experience. The Psalms of supplication – and Ps 22 in particular – illustrate the ways in which the Word is grafted onto the supplicant’s experience. And the ordeal must play out to its end for the graft to be received as a life-giving enunciation, in the often-paradoxical form of a silent word.