Blum, Harold P.
Le temps, la mémoire et la transformation du trauma :
- 2015.
98
Le trauma de l’enfance dissimulé sous des souvenirs poignants est un aspect central de La Recherche du temps perdu. L’œuvre maîtresse de Marcel Proust peut être comprise de façon psychanalytique comme l’extraordinaire transformation littéraire d’un trauma sévère et de conflits inconscients associés. L’asthme infantile de Proust, qui faillit lui être fatal, et les maltraitances médicales qui en ont découlé ont créé un intense et ambivalent lien et asservissement à sa mère, répliqués dans les relations ambivalentes dépeintes dans son œuvre. Le passé retrouvé et recréé est revécu sur le terrain de jeu fantasmé du temps et de l’espace. La compréhension intuitive de Proust des aspects signifiants du temps, de la mémoire, et du transfert était contemporaine de la pensée psychanalytique. Dans cette œuvre, la mortification narcissique et les pertes du protagoniste sont pleurées, surmontées et partiellement rachetées. J’interprète la célèbre scène de la madeleine trempée dans du thé comme un déguisement artistique, un déplacement temporel, et un renversement affectif du trauma qui menace la vie. Cet article explore le rôle de l’asthme réfractaire de Proust dans son voyage essouflé vers la maîtrise de l’ego et de la créativité intemporelle. Hidden childhood trauma beneath poignant memories is a central aspect of « In Search of Lost Time ». Marcel Proust’s magnum opus may be psychoanalytically understood as an extraordinary literary transformation of severe trauma and associated unconscious conflicts. Proust’s nearly fatal childhood asthma and concomitant medical mistreatment contributed to an intense ambivalent bond and bondage with his mother, replicated in the ambivalent relationships depicted in the vast novel. The retrieved and recreated past is relived in the novel’s fantasy playground of time and space. Proust intuitive grasp of significant aspects of time, memory, trauma, and transference was consistent with psychoanalytic thought. In the vast novel, the narcissistic mortification and losses of the protagonist are mourned, worked through, and partially redeemed. I interpret the famed joyous tasting of the madeleine in tea as an artfully disguised, temporally displaced, and affectively reversal of life threatening trauma. This paper probes the role of Proust’s intractable asthma in his breathless journey to ego mastery and timeless creativity.