Kerlan, Alain
L’enseignement de la littérature. Les leçons d’une crise
- 2023.
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En 2007, Tzvetan Todorov, éminent linguiste et l’un des phares de cette modernité structuraliste dont l’influence sur l’enseignement scolaire de la langue et de la littérature a été décisive et longtemps en règne, publiait un essai, La littérature en péril, remettant profondément en cause cette domination et ses conséquences dans l’enseignement. Il y donnait raison au lecteur cherchant dans les œuvres de quoi donner sens à son existence, contre le primat accordé à la textualité. En 2011, Jean-Marie Schaeffer, dans sa Petite écologie des études littéraires, s’inscrivait aussi dans cette lignée et tirait également la leçon des impasses et des conséquences de la réduction moderniste de la littérature et de son enseignement. Prenant acte de la crise des études littéraires, l’auteur estime qu’elle nécessite d’en passer par l’analyse des fondements de notre rapport au monde, et de la littérature comme accès à un mode d’expérience spécifique. Comme le voulait Hannah Arendt, toute crise donne l’occasion de se saisir de l’essence d’un problème. La crise de l’enseignement littéraire met au jour les conséquences de l’entrée de la littérature en régime esthétique, et plus largement révèle la nécessité de repenser la littérature et de l’enseigner comme une modalité spécifique de l’expérience esthétique. In 2007, Tzvetan Todorov, an eminent linguist and one of the leaders of the structuralist modernity that influenced the teaching of language and literature in a decisive and long lasting way, published an essay, La littérature en péril ( Literature in peril), that deeply questioned this domination and its consequences on teaching. He agreed with the reader seeking in literature something to give meaning to his / her existence, against the primacy given to textuality. In 2011, Jean-Marie Schaeffer, in his Petite écologie des études littéraires ( Little ecology of literary studies), also followed this line of thought and concluded to the dead ends of the modernist reduction of literature and of its teaching. Acknowledging the crisis in literary studies, the author believes that it requires analysing the foundations of our relationship to the world, and understanding literature as an access to a specific mode of experience. As Hannah Arendt wanted, every crisis provides an opportunity to get to the essence of a problem. The crisis in literary education highlights the consequences of the entry of literature into an aesthetic regime, and more broadly reveals the need to rethink literature and to teach it as a specific modality of aesthetic experience.