Le statut moral de l'entreprise, au fondement de son développement durable
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RésuméSoucieuses de leur image, anticipant les contestations sociales et environnementales, et/ou réellement motivées par un souci éthique, les entreprises sont de plus en plus nombreuses à communiquer sur le thème du développement durable et à mettre en avant leurs actions dans ce sens. Parallèlement, les notions de responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) et d’investissement socialement responsable (ISR) se sont développées. Pourtant on peut s’interroger sur la légitimité et la justification des comportements des entreprises qui se réfèrent au développement durable : est-ce bien là le rôle de l’entreprise ? est-ce compatible avec la recherche de rentabilité à laquelle est soumise toute entreprise concurrentielle dans nos économies de marché ? que peut légitimement attendre la société civile de la part des entreprises en termes d’implication dans le développement durable ?L’objet de cet article est de justifier la pertinence de raisonnements moraux concernant l’entreprise en tant que telle, et de construire une grille de lecture permettant d’analyser la légitimité des comportements des entreprises qui disent s’inscrire dans le développement durable. Pour se saisir de ces questions, l’article se réfère à un triple argumentaire, économique, juridique et philosophique. Il analyse dans un premier temps les difficultés auxquelles se heurtent les principales théories de la firme qui se sont développées historiquement en économie pour expliquer et justifier d’un point de vue normatif ce comportement. La notion d’entité morale est revisitée à l’aide d’arguments juridiques, basés sur les notions de « personne morale » et de « voile corporatif ». Mobilisant également des arguments philosophiques, issus principalement de la philosophie des Modernes, nous montrons alors que l’entreprise peut être considérée comme une entité morale accédant au domaine des droits et devoirs. De ce fait, l’entreprise peut légitimement se prévaloir de droits qu’elle peut mettre en avant vis-à-vis des autorités publiques. A l’inverse, leurs pendants, les devoirs moraux de l’entreprise, seront explicités : c’est à partir d’eux que peut alors être définie la responsabilité sociale de l’entreprise, et par là la place légitime de l’entreprise dans le processus du développement durable. Cette nouvelle construction de l’entreprise comme entité morale invite à compléter les théories de la firme existantes, de façon à prendre en compte une de ses caractéristiques importantes, souvent occultée, concernant sa nature même et ses objectifs : l’apport de l’entreprise comme expérience humaine créatrice de valeurs de coopération et matrice de développement de projets.
Is sustainability compatible with the quest for profitability in a competitive market economy? What can civil society expect from firms in terms of sustainable growth? This article, founded on economics, law and philosophy, argues that the main theories of the firm run into difficulties when they want to explain such practices. Therefore the firm may be considered as a moral entity, implied in the field of rights and duties. The business enterprise is based on human experience, thus creating values of cooperation and being a matrix for the development of projects.JEL: A12, D20, D63, M14, Q01.
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